La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Après la répétition

Après la répétition - Critique sortie Théâtre Paris La Tempête
© Robert de Profil Après la répétition, dans la mise en scène de Nicolas Liautard.

Publié le 30 avril 2017 - N° 254

A partir de l’oeuvre d’Ingmar Bergman, Nicolas Liautard propose sa mise en scène d’un huis clos qui confronte un metteur en scène à deux actrices : la fille et la mère, qui revient en songe. Dans l’intimité du plateau déserté, le discours cherche à faire théâtre.

Scènes de la vie conjugale, créé par Nicolas Liautard fin 2014, mettait en œuvre avec maestria le pouvoir de questionnement et de proximité du théâtre. Grâce à un jeu théâtral saisissant de vérité, il auscultait et exposait la vie de couple de Johan et Marianne et s’inscrivait dans la recherche artisanale et concrète d’une forme juste et précise. Une réussite en tous points ! Ce nouvel opus fondé sur l’œuvre bergmanienne s’aventure dans un territoire artistique qui expose et interroge ce qui n’est destiné en aucune manière à faire représentation, qui demeure hors champ : sur un plateau déserté après la répétition, au creux d’une intimité débarrassée de tous les efforts et de toutes les coquetteries du masque social, Henrik Vogler, metteur en scène, et Anna Egerman, une jeune actrice qui pourrait être sa fille, engagent la conversation. La relation entre Henrik et Anna n’est pas exempte d’ambiguïté. Puis, la mère morte (mais il est habituel au théâtre de voir vivre les fantômes) surgit sur le plateau afin de réclamer du réconfort : Rakel Egerman, actrice qui connut le succès et fut l’amante de Henrik, devenue alcoolique. Henrik, méthodique, rigoureux, précis, calme. Rakel : souffrante, dans le tumulte et les épanchements. Le théâtre comme tentative d’organiser un monde formalisé pour le metteur en scène. Ou alors comme lieu de tous les extrêmes pour l’actrice.

Fiction et réalité, impossible fusion

Fiction et réalité tentent la fusion, les personnages sont les personnes et vice-versa. C’est cette intimité radicale qui sert ici de combustible au théâtre. « Tu me vois comme je suis » lance l’actrice. Sur scène, ce sont les exposés des divers possibles des relations, et quelques considérations sur le théâtre, parfois redoublées par les voix enregistrées des comédiens au travail, qui définissent la trame. Le Songe de Strindberg, Shakespeare, Ibsen… : leurs réalités demeurent et se superposent, sans doute pour l’éternité. Toujours présent aussi l’un des thèmes les plus aigus de Bergman, qui ici s’invite de manière plutôt artificielle et peu convaincante : les chemins tortueux de l’amour brouillent les cartes… Sandy Boizard apporte à Rakel son talent, son humanité et sa présence qui dynamisent le plateau. En toute cohérence, Nicolas Liautard est un metteur en scène sobre et adéquat. Carole Maurice interprète Anna. Ingmar Bergman, qui fut autant sinon davantage metteur en scène de théâtre que cinéaste, confiait être lassé par la difficile quête que représente le théâtre, celle d’une interprétation et d’une illusion qui touchent à l’émotion ou la vérité. C’est ce qui manque ici ; le piège d’une intimité faussement réelle enferme les personnages dans un cadre trop étroit, qui empêche tout surgissement et tout éclat. Faire théâtre de l’absence de théâtre, c’est peut-être finalement mission impossible…

Agnès Santi

A propos de l'événement

Après la répétition
du jeudi 27 avril 2017 au dimanche 28 mai 2017
La Tempête
Bois de Vincennes, 4 Route du Champ de Manoeuvre, 75012 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 16h30. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 1h20.

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