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Théâtre - Critique

Antoine m’a vendu son destin – Sony chez les chiens

Antoine m’a vendu son destin – Sony chez les chiens - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Colline
Dieudonné Niangouna et Diariétou Keita dans Antoine m'a vendu son destin – Sony chez les chiens Crédit : Christophe Raynaud de Lage

Théâtre de la Colline / Antoine m'a vendu son destin – Sony chez les chiens / mes Dieudonné Niangouna

Publié le 21 février 2017 - N° 252

À peine achevée son épique Trilogie des vertiges, Dieudonné Niangouna reprend son souffle et mêle dans un nouveau spectacle son écriture à celle de Sony Labou Tansi.

« Sommes-nous sortis du monde ? ». Dans chacune de ses pièces et à la tête du Festival Mantsina sur scène à Brazzaville qu’il a créé en 2003, Dieudonné Niangouna répond à sa manière à la question liminaire de Antoine m’a vendu son destin du dramaturge congolais Sony Labou Tansi (1947-1995). Il n’avait pourtant jusque-là jamais porté sur scène ce texte fondateur de son théâtre de colère et de sueur nourri des violences de son pays. C’est chose faite avec sa dernière création, forme courte et légère par rapport aux trois volets de sa grande fresque consacrée à la guerre et aux relations Nord-Sud. Mais pas de manière classique. Comme son titre l’indique, Antoine m’a vendu son destin – Sony chez les chiens est un montage réalisé à partir de plusieurs textes. Trois précisément : celui de Sony Labou Tansi et deux de Dieudonné Niangouna, entrelacés au point d’être souvent difficiles à distinguer. Surtout pour qui ne connaît pas Antoine m’a vendu son destin, tragédie sur une folle dictature dont le dirigeant éponyme et ses fidèles généraux Riforoni et Moroni font selon les termes de l’auteur « un faux coup d’État qui n’a pour but que de démasquer les vrais comploteurs ». Avec la comédienne Diariétou Keita, complice de longue date, Dieudonné Niangouna fait ainsi son œuvre tout en poursuivant celle de Sony Labou Tansi. Celui que dans sa poétique bruyante et accidentée il nomme son vieux. Son maître dans « la parole du ventre (…) avec Tchicaya Utam’si dedans et tous les Antonin Artaud de maman ! ».

Triangle réparateur

Au centre d’un dispositif trifrontal occupé par une sculpture-totem mobile, les deux comédiens jonglent avec leurs trois textes et tous leurs personnages comme avec des matières en fusion. Dans l’urgence de recoller un monde aussi morcelé aujourd’hui qu’hier. Avec toujours une « chouette petite guerre bien osée » à mener contre un dictateur quelconque et les espoirs d’un peuple à rafistoler. Parce que tel est bien le but du théâtre de Dieudonné Niangouna, comme ce fut celui de Sony Labou Tansi dont l’oeuvre dramatique, mais aussi poétique et romanesque, a beaucoup gagné en notoriété depuis quelques années. Notamment grâce à la découverte récente de plusieurs manuscrits, dont certains ont été publiés en 2015. La performance proposée par Dieudonné Niangouna interroge donc non seulement l’idée de filiation en littérature, mais aussi le pouvoir de l’artiste en temps de guerre. Problème littéraire d’une évidente actualité. Reste à rendre l’échange par-delà la mort vraiment partageable avec d’autres que Diariétou Keitou, qui s’empare avec vigueur des mots qui lui sont confiés. Lors de la première à la scène nationale d’Annecy, un jeu un peu trop en force rendait la grande teneur poétique de la proposition parfois difficile d’accès. La Colline sera l’occasion pour Antoine d’aller à la rencontre de son destin.

 

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Antoine m'a vendu son destin – Sony chez les chiens
du mardi 21 février 2017 au samedi 18 mars 2017
Théâtre de la Colline
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France

Du 21 février au 18 mars 2017, du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h. Tel : 01 44 53 62 62. www.colline.fr.

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