La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Les Résidents

Les Résidents - Critique sortie Théâtre Paris La Maison des Métallos
Les Résidents à la Maison des Métallos. CR : François Langlais

La Maison des Métallos / Texte et mes Emmanuelle Hiron

Publié le 21 février 2017 - N° 252

Tout comme notre société, le théâtre évite soigneusement le sujet de la vieillesse. Les Résidents d’Emmanuelle Hiron défriche ce territoire dans une forme simple et touchante.

Si, suivant la pensée de Pascal, on peut nommer divertissement tout ce qui fait diversion, tout ce qui nous détourne de l’idée de la mort et de notre finitude, alors le spectacle d’Emmanuelle Hiron ne fait définitivement pas partie de cette catégorie. En effet, Les Résidents nous emmène vers le caché, l’inenvisageable, ce face à quoi on détourne systématiquement le regard dans nos sociétés passionnées de jeunisme : la vieillesse et la mort. L’idée de ce spectacle est née dans l’esprit d’Emmanuelle Hiron tandis qu’elle suivait au quotidien, dans une visée documentaire, le travail d’une amie d’enfance gériatre dans un EHPAD où elle s’occupe de personnes en état de démence, vocable auquel on substitue souvent celui d’Alzheimer. Femme de théâtre, Emmanuelle Hiron a décidé de mêler les images qu’elle avait tournées à un monologue de cette amie gériatre – qu’elle incarne elle-même – et qui raconte son vécu tout en l’analysant. Une forme de théâtre documentaire dont les grincheux pourront dire que ce n’est pas du théâtre parce qu’il collerait de trop près à la réalité.

La mort ne peut se regarder en face

Pourtant, ce spectacle constitue bien une proposition inédite. « Comment être heureux quand on est vieux ? » interroge un premier panneau, poursuivant : « une performance à laquelle notre civilisation ne nous prépare pas ». Le ton est donné, le spectacle s’empare sans ménagement du sort qu’on réserve à nos anciens dans nos sociétés, de ce qu’il dit de nous et de notre rapport à la mort, et bien entendu, à la vie. Exit la douleur, la vieillesse, la souffrance. On referme le capot sur la mort. On ne veut pas voir comment l’Homme s’enlaidit, s’affaiblit, se dégrade. Notre décrépitude à venir. Et l’on dessine ainsi certaines limites à notre humanité. Deux séances filmées et deux séances théâtrales alternent et nous conduisent donc dans ces endroits cachés du grand jour : dans les couloirs de l’EHPAD, à l’hôpital avec Mado qui doit se faire couper l’orteil, ou encore dans le récit de la toilette mortuaire qu’effectue le « personnage » de la gériatre sur les pensionnaires décédés. Tout cela n’est pas gai, bien évidemment, mais Emmanuelle Hiron ne tire jamais sur le pathos. Sans incarner, elle livre à la première personne l’expérience de son personnage gériatre « à mi-chemin entre la médecine et la maladie de l’âme », sous la forme du témoignage. Si comme le soleil, la mort ne peut se regarder en face, au moins les Résidents nous ouvre les yeux sur l’exclusion que notre société pratique au quotidien. « Tout ce qui vit doit mourir, emporté par la nature dans l’éternité », conclut le spectacle avec cette citation d’Hamlet comme pour souligner qu’effectivement, oui, on est bien là au cœur du théâtre.

Eric Demey

A propos de l'événement

Les Résidents
du mardi 21 mars 2017 au dimanche 26 mars 2017
La Maison des Métallos
94 Rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris, France

Du 21 au 26 mars, du mardi au vendredi à 20h, le samedi à 19h, le dimanche à 16h. Tél. 01 48 05 88 27. Durée : 1h. Spectacle vu à la Manufacture à Avignon.

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