Avec « Le Plancher », porté à la scène par Frédéric Cherboeuf, l’isolement devient matière à création.
Histoire vraie d’un plancher gravé par un [...]
C’est un tour de danse à malice que nous livrent Anne Teresa de Keersmaeker et Solal Mariotte. Duo aux abords faciles, il cache en réalité une réflexion plus profonde sur le temps qui passe, la vieillesse, la mort, et les fracas du monde.
Le procédé est simple : les chansons de Jacques Brel s’égrènent façon playlist à mesure que se déroule le spectacle. D’emblée, l’importance du mot est rappelée par la vidéo-projection des paroles, tandis que la danseuse commence timidement de dos par des tressautements d’épaules qui viendront plus loin contaminer ses gestes. Dès la première chanson Le Diable (ça va), tragiquement d’actualité, on s’interroge sur les résonnances possibles entre l’art d’Anne Teresa de Keersmaeker et ce monument de la chanson populaire qu’était Brel. Chorégraphe de la ligne, du tour, de la géométrie dans l’espace, son rapport à la musique, structurel et partitionnel, s’est installé rigoureusement, depuis de nombreuses années, entre la musique ancienne et la musique contemporaine. Que faire alors de tout ce que trimballe Brel d’emphase, de tragicomique, de frénésie, d’histoires, d’images, de personnages, et qui nous est ramené sur scène par la simple portée de sa voix ? Sans doute grâce à la complicité de Solal Mariotte, on découvre une danseuse malicieuse, joueuse, qui n’a peur de rien et surtout pas de se rire d’elle-même. Au-delà d’elle, au-delà de Brel, les deux parviennent à créer une pièce qui déborde de mots et de danses, une pièce comme un pied de nez à la vie et à la mort, à la jeunesse et à la vieillesse, à l’amour et au malheur, et qui nous emporte.
Un pas de côté, de dérision et d’émotion
On ne s’attendait sans doute pas de leur part à voir débarquer le grotesque, le burlesque, parfois même des envies de lipsync ou de grimaces, pour mettre Brel en corps. On ne s’attendait pas non plus à une telle mise à nu, quand Solal projette en grand large le visage du chanteur sur le dos de la danseuse, ou plutôt sa bouche sur son cul – qu’elle montre, avec ses bonnes manières, comme le chantait Jacques… Le duo joue sur les effets de générations, quand une quarantaine d’années séparent les deux chorégraphes, sans compter Brel, définitivement d’un autre siècle sur certains aspects… C’est aussi un spectacle où la citation reste maîtresse : on sourit par exemple de voir quelques phases de Fase, de Rosas danst Rosas (les « hits » d’Anne Teresa), ou de hip hop, (le langage d’origine de Solal), mais on s’émeut devant les références d’hier à l’état du monde, aux inondations, qui résonnent sérieusement. Le duo trouve son équilibre dans les moments de solos réservés à chacun, dans les jeux de tandem, de miroir ou d’unisson qu’ils infusent adroitement. Mais, malgré les instants virtuoses du danseur copieusement applaudis par le public, nous reste singulièrement l’image de cette flamande qui « danse sans mollir » : elle a toujours, incontestablement, « bon houblon, et bon blé dans son pré ».
Nathalie Yokel
à 22h, relâches les 8, 12, et 16 juillet. Durée 1h30. Tél. : 04 90 14 14 14.
Tournée : les 10 et 11 décembre à la Comète, scène nationale de Châlons-en-Champagne, du 11 au 20 mai au Théâtre de la Ville – Paris.
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