Le collectif catalan El Conde de Torrefiel présente « La luz de un lago », une création sonore qui parle d’amour
La luz de un lago, ou en français La lueur [...]
Avec l’admirable Michel Ouimet, Anne-Marie Lazarini met en scène douze textes de Duras issus de sa production journalistique, dans un cheminement subtil et une qualité de présence qui célèbrent infiniment l’acuité de la parole durassienne, et la liberté de la lecture.
Il entre par la petite porte, en toute discrétion, côté public. Puis il s’avance sur le plateau, s’approche de la soupière dont il ôte le couvercle pour en vérifier le contenu, regarde autour de lui, découvre alors le premier des textes qui s’offrent à lui, qu’il lit, dit et nous transmet admirablement. Au fil d’un rythme où chaque inflexion, chaque geste comptent, lui comme nous sommes à l’écoute des mots, de la voix de Duras. Michel Ouimet est décidément un comédien accompli, complice de longue date d’Anne-Marie Lazarini, dont la mise en scène fabrique un cheminement qui éclaire subtilement mais intensément un rapport libre et singulier aux autres et au monde, à l’écriture et à la parole. Un engagement aussi, bien sûr, en faveur des gens vulnérables, à la marge, comme dans Le Coupeur d’eau, où un employé prive d’eau une famille entière en plein été, ou Les Fleurs de l’Algérien, où les représentants de l’ordre français arrêtent à Paris un jeune vendeur à la sauvette… Parmi l’œuvre plurielle de Marguerite Duras – romans, pièces de théâtre, films, articles de presse –, la metteuse en scène a choisi douze textes de sa production journalistique rédigés entre la fin des années 50 et les années 80 pour France Observateur, Libération, etc., des textes issus des recueils Outside (1981), La Vie matérielle (1987) et Le Monde extérieur (1993). Si le monde extérieur est ici raconté, dans une attention aux difficultés matérielles et aux injustices sociales, la mise en scène éclaire aussi le geste de l’écriture depuis l’enfance et le rapport douloureux à la mère.
L’humanité du regard
La mère est partout dans l’œuvre de Duras, la mère « analphabète de la littérature », qui affronta la vie qui s’est présentée à elle, dans les nécessités du quotidien, les désillusions et une misère quasi permanente. Tout au long du spectacle, le jeu se tient dans une forme de distance très tenue, dans une exactitude qui dévoile l’inhumanité des situations et l’humanité du regard, dans une affirmation qui évite le pathos pour révéler la vie telle qu’elle est. Le théâtre n’est pas dans l’action représentée, ni dans l’incarnation de personnages, il est dans la parole même, qui déchiffre le réel. Comme en écho à l’écriture de Duras, tout superflu, toute emphase sont bannies, pour laisser place à une acuité concise, délicate. Dans l’attente d’être investie par la parole de l’acteur, la scène accueille une scénographie simple, presque modeste, mais finement pensée – « astucieuse » selon un spectateur. Douze chaises disposées en arc de cercle, au centre une petite table – avec soupière, poireaux, mangues, sel… Chacun des textes est ici matérialisé : son titre apparaît sur un panneau à l’horizon marin. En accordant aux mots une telle qualité de présence, fragile et forte à la fois, la mise en scène d’Anne-Marie Lazarini fait barrage, avec ses humbles moyens d’artiste, à la vulgarité de l’époque, à ses appétits de pouvoir sans vergogne, à son intolérance si bruyante. Elle célèbre aussi infiniment la liberté de la lecture, et l’écriture de Duras qui non seulement résiste au temps mais préserve son actualité. Michel Ouimet quant à lui finit par goûter la soupe, peut-être pas si immatérielle que ça…
Agnès Santi
mardi à 20h, mercredi à 17h, jeudi à 20h45, vendredi à 19h, samedi à 15h, dimanche à 17h. Relâche le 18 novembre. Tél. 01 43 56 38 32.
La luz de un lago, ou en français La lueur [...]
Muriel Mayette-Holtz met en scène le texte [...]
Avec Le Vortex Nukak, la compagnie Mapa [...]