« Où cours-tu comme ça ? » La course comme métaphore d’une existence humaine
La course comme métaphore d’une existence [...]
Avignon 2023 - Théâtre - Critique
Susanne Kennedy et Markus Selg explorent le quotidien ordinaire d’Angela, c’est-à-dire son cauchemar et peut-être le nôtre… Invitation dans les méandres de la subjectivité contaminée par le virtuel.
« Esse est percipi aut percipere » : être, c’est être perçu ou percevoir. Dès lors, tout ce qui est offert aux sens, est, de la bibliothèque en images d’Angela, puisqu’on la voit projetée à cour, aux paroles enregistrées que miment les comédiens en play-back, puisqu’on les entend. Quant à Angela, elle est, puisqu’elle se filme et projette son existence sur les réseaux sociaux. Mais sommes-nous tout à fait certains que ce que donnent à voir Susanne Kennedy et Markus Selg soit autre chose qu’un cauchemar vacillant ? Les pommes dans lesquelles on croque sont-elles de vrais fruits ? De qui Angela accouche-t-elle par la bouche ? D’un Antéchrist né sans père et annonçant l’avènement d’une nouvelle alliance entre l’homme et la machine, d’elle-même à force de raconter sa vie à ses followers, d’un avorton signant définitivement l’inanité d’une humanité qui, comme elle, se tord de douleurs en pissant la bile noire de la mélancolie ? Difficile de trancher.
Mourir, dormir, rêver peut-être…
Dans un espace de science-fiction ou de postmodernité défaite peuplée d’êtres curieux qui oscillent entre le cyborg et le chaman, Angela vit et meurt, renaît et revit. Mourir n’est rien et vivre n’est pas grand-chose. « Etre, ou ne pas être : telle est la question. (…) Mourir… dormir, dormir ! Rêver peut-être ! C’est là le hic. Car, échappés des liens charnels, si, dans ce sommeil du trépas, il nous vient des songes… halte-là ! Cette considération prolonge la calamité de la vie. », disait Hamlet au théâtre. La réalité d’Angela est vacillante, puisque – comment mieux le dire que Pessoa ? – : « un ensemble réel et véritable est une maladie de nos idées ». L’écoute du texte est diffractée, la scénographie de Markus Selg est une sorte d’installation protéiforme fascinante : le travail de création visuelle et sonore est hypnotique. Les comédiens interprètent la boucle dans laquelle est enfermée Angela. Peut-elle en sortir ? Y entrons-nous ? Mystère… Tout dépend de la sensibilité de chacun et de sa capacité à percevoir. Pessoa encore : « le fameux grand Mystère dont les faux poètes parlent », c’est peut-être en ne l’allant pas chercher qu’on le trouve…
Catherine Robert
Lundi et vendredi à 19h ; samedi et dimanche à 19h et 23h. Tél. : 04 90 14 14 14. Durée : 2h.
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