Susciter la réflexion et la rencontre entre les générations
Ahmed Madani, auteur et metteur en scène, s’adresse à la jeunesse et à la maturité avec Ernest, ou comment l’oublier. Le spectacle investit l’univers du cirque pour tendre joliment le fil affectif des relations entre générations. Une vue existentielle.
« C’est l’éloge d’un état d’esprit, l’état de jeunesse qui demeure tandis que le corps vieillit. »
Que raconte la pièce Ernest, ou comment l’oublier ?
Ahmed Madani : La société a évolué considérablement dans les cinquante dernières années. On est passé d’un monde rural où les anciens, au centre des relations, représentaient des piliers de notre existence, à un monde urbain avec l’éclatement et le morcellement de la famille. Nos anciens, éloignés de leurs enfants et petits-enfants, vivent aujourd’hui une certaine solitude, qu’ils finissent leurs jours dans une maison de retraite ou pas. De là est venue mon envie de les mettre sur scène afin que le spectacle rencontre tous les âges. Dans le cadre des matinées scolaires, je privilégie la rencontre avec l’enfant ; pour le spectacle en soirée, je mets l’accent sur l’axe familial.
C’est une façon de vérifier que l’échange entre enfants et parents est à sauvegarder.
A. M. : Les personnages de la piècesont des femmes âgées, ce qui est relativement rare sur scène. Des études sérieuses démontrent que les filles nées en l’an 2000 vont devenir centenaires pour la moitié d’entre elles. Il faut permettre aux enfants de garder une mémoire de leurs ancêtres, le souvenir précieux de la vie qui passe. C’est l’éloge d’un état d’esprit, l’état de jeunesse qui demeure tandis que le corps vieillit. Le drame de la vieillesse, dit Oscar Wilde, ce n’est pas qu’on se fait vieux mais qu’on reste jeune.
Qui sont les personnages ?
A. M. : Les personnages sont d’anciennes artistes de cirque, elles ont à présent un corps usé et fatigué et le mettent à l’épreuve dans un combat permanent pour durer encore. Leur âme est jeune, elles résistent à cette peur d’en finir et n’acceptent pas que « ça s’achève ». Elles ne pourront partir que lorsque le directeur du cirque Ernesto, leur amour à chacune, sera de retour. C’est une allégorie sur ce qui fait tenir debout l’être humain. Pour ces artistes de cirque, la vie ne tenait qu’à un fil puisque l’une était trapéziste et l’autre funambule. La vie les a toujours mises en danger. Elles ne veulent pas briser ce fil symbolique de l’existence. On reconnaît aussi la métaphore de l’artiste qui n’accepte pas l’absence de son public dès lors qu’il n’est plus sur scène. Les acteurs font l’épreuve de l’addiction aux spectateurs, l’expérience douloureuse d’un manque physique. Ernest, ou comment l’oublier engage une réflexion inventive sur le sens de notre vie et sur l’appréhension de la mort. Dans l’humour.
Propos recueillis par Véronique Hotte
Spectacle pour tous à partir de 7 ans
Ernest, ou comment l’oublier
Texte et mise en scène d’Ahmed Madani, du 14 au 31 mars 2009 au TEP 159 avenue Gambetta 75020 Paris. Tél : 01 43 64 80 80. Texte publié à l’Ecole des Loisirs.