New York Express 2
Deux ans après une première plongée dans la [...]
Toujours séduisant et déroutant, la compagnie Théâtre à cru explore la possibilité d’inventer un nouveau modèle de société. Au croisement du politique et de l’écologique.
Ce qu’il y a de bien avec Alexis Armengol et sa compagnie Théâtre à cru, c’est que chaque spectacle ne ressemble pas au précédent, qu’on ne sait jamais ce que l’on va découvrir quand s’avance une nouvelle création. Au début d’A ce projet personne ne s’opposait, on craint un peu que l’artiste associé au CDR de Tours n’ait versé dans le genre post-punk. Grand fond noir en bâches plastique et scène de torture de Prométhée dans un jeu très théâtral, Alexis Armengol ne nous avait pas habitués à cela. La dramaturgie s’installe : à Prométhée le révolté succède Pandore la trop curieuse, qui ne garde dans sa boîte que l’espoir. Héphaïstos recycle ensuite le feu prométhéen au service de la technique et voilà le monde embarqué vers ses pires époques, avec ses « trains de désolation ». Le spectacle propose un résumé rapide de l’histoire de l’humanité, version mythologie jusqu’à son humaine contemporanéité, et même à son futur, puisque le spectateur se retrouve ensuite projeté en fin de civilisation, dans une petite cellule de résistance anarcho-écologiste dont le souci principal est d’« émettre »…
L’espérance si violente d’un changement
Tout cela est ordonné, structuré autour de la question de la révolte et de son pendant, la soumission. Pour cette création, Alexis Armengol s’est associé à Marc Blanchet, écrivain et poète. Tous deux ont agrémenté leur texte des mots d’Eschyle, de La Boétie, d’Hannah Arendt et d’Henri-David Thoreau. La révolte prométhéenne résonne donc avec la servitude volontaire et les analyses d’Harendt avec les échappées visionnaires de Thoreau. Le tout au milieu des dialogues beaucoup plus simples et ordinaires de cette micro-humanité qui poursuit son histoire sur scène. Ainsi du post-punk et du no future, on bascule avec notre petit groupe d’humains résistants vers « l’espérance si violente d’un changement ». Alexis Armengol fait le pari d’une société qui, après les temps de renoncement parfois sarcastique du postmodernisme, voudrait que l’ironie se transforme « en enthousiasme » et « en action ». Exit le noir donc, et place au vert qui habille la cabane de nos résistants, teintée d’un rouge qui évoque autant le feu prométhéen que certains courants révolutionnaires. Au milieu de textes de Bataille, la petite communauté tente de se trouver des règles de fonctionnement et des objectifs communs. Dans sa cabane éclairée à l’énergie de la bicyclette, elle se demande ce qui lui est nécessaire, indispensable et superflu, elle pose les bases fragiles de l’invention d’un futur. Avec la simplicité de l’homme ordinaire et l’éclairage des textes de penseurs, dans une forme à nulle autre pareille, le spectacle s’offre en métaphore d’espace d’invention et de liberté. Singulier et rafraîchissant.
Eric Demey
du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h. Tel : 01 44 62 52 52 . Durée : 1h30.
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