1789, le film culte du Théâtre du Soleil

Si Ariane Mnouchkine et sa troupe ont créé quatre spectacles avant 1789, ce dernier a un rôle fondateur dans l’histoire du Théâtre du Soleil. Non seulement les artistes y posent en effet les bases de leur singulière démarche collective, mais ils investissent pour la première fois la Cartoucherie de Vincennes. L’utopie est en marche. Tourné lors des dernières représentations de la pièce jouée plus de 370 fois, le film réalisé par la metteuse en scène donne à voir l’effervescence qui animait alors les lieux, aussi bien du côté des comédiens que du public. C’est donc une précieuse archive qui vient d’être restaurée et remasterisée avec le soutien du Centre National du Cinéma. Éclairée aussi par un film de Stefano Missio : 1789, 40 ans après, où la fondatrice du Théâtre du Soleil et certains comédiens de la pièce reviennent sur leur expérience. On mesure la distance entre le théâtre épique de 1970 et celui de Une chambre en Inde, la dernière création d’Ariane Mnouchkine. On pense aussi à Ça ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat, grande pièce sur la Révolution française créée en 2015. Le passé éclaire le présent, et réciproquement. Il offre aussi des balises pour penser le futur.

Merveilleux bateleurs

 Dans le bonus réalisé par Stefano Missio, Ariane Mnouchkine dit son désir inchangé de contestation sociale. « Les jeunes qui nous regardent doivent savoir qu’une révolution est encore possible. C’est simplement plus difficile », affirme celle qui créait 1789 dans le sillage de mai 68. L’esprit de 1789 n’a jamais cessé de régner au Théâtre du Soleil. Le théâtre y sert toujours une haute idée de la République et du citoyen. Pour preuve, la belle scène finale du documentaire qui sert de bonus à l’édition DVD et blue-ray : la sortie de la troupe d’Ariane Mnouchkine à l’occasion d’une manifestation pour les retraites en 2010. Brandissant une grande marionnette blanche utilisée dans 1789, ils rappellent le point de vue choisi à l’époque par le Théâtre du Soleil pour raconter l’Histoire : celui de bateleurs représentant les événements à leur manière, sur un champ de foire suggéré par plusieurs petites scènes dispersées au milieu d’une salle sans gradins. Entre salle remplie à craquer et coulisses, les caméras d’Ariane Mnouchkine nous mettent au plus près de cette aventure dont on peut se demander s’il en existe aujourd’hui des équivalents dans l’intelligence et la force de rassemblement.

Anaïs Heluin