La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

War sweet war

War sweet war - Critique sortie Théâtre Hérouville Saint-Clair COMEDIE DE CAEN
Crédit photo : Tristan Jeanne-Valès Légende photo : War sweet war, une tragédie pour la modernité.

Comédie de Caen / Jean Lambert-wild / Jean-Luc Therminarias / Stéphane Blanquet / Juha Marsalo

Publié le 18 décembre 2012 - N° 205

Jean Lambert-wild, Jean-Luc Therminarias, Stéphane Blanquet et Juha Marsalo associent leurs talents pour une œuvre polyphonique en forme de tragédie moderne sur les horreurs de la guerre.

La guerre hoplitique, menée en phalanges au son de l’aulos, ne connaissait que la victoire collective. Le chœur des soldats bataillait d’un même geste. Aujourd’hui, selon Jean Lambert-wild, la guerre « s’est infiltrée partout » ; elle a contaminé tous les esprits, « elle a tout rendu poreux » et organise les rapports entre les individus. Il faut donc que le théâtre adapte la tragédie à la modernité : au chœur de la tragédie grecque, qui expurgeait les passions des hoplites, doit succéder une nouvelle forme. Jean Lambert-wild et l’aréopage de créateurs réunis autour de lui s’y essaient. Partant de l’idée que la guerre est partout, ce spectacle choisit d’en montrer les effets au cœur de l’intime, dans la famille. Désormais « home, sweet home » est devenu « war, sweet war ». Le point de départ du spectacle est un fait divers : un homme et une femme tuent leurs enfants avant de se donner la mort. Un dernier goûter d’anniversaire, des ballons et des bougies, des masques d’animaux sur le visage des assassins pour cacher leur douleur (peut-être, dans le foisonnement d’images terrifiantes du spectacle, la plus poignante), et le carnage commence.

Apollon et Dionysos

La scénographie divise l’espace en deux : en haut, les vivants, en bas, les morts. Deux décors strictement identiques, comme l’avant et l’après d’une scène de crime. Deux couples de comédiens jumeaux se partagent les rôles : Elena et Olga Budaeva, Pierre et Charles Pietri. Chorégraphiée par Juha Marsalo, cette interprétation en forme de performance fait coexister les deux strates, comme joueraient ensemble le meurtre et son remords, le passage à l’acte et son regret, la vallée de larmes de l’ici-bas et la damnation éternelle de l’au-delà. Le temps de la torture s’étire, aux limites du supportable. Les corps se crispent, se tordent, s’empoignent et se déchirent, peu à peu recouverts par un épais goudron qui suinte des murs. Cette étrange matière gluante fait naître de magnifiques images, que les lumières de Renaud Lagier font flamboyer. Comme Le Cri, de Munch, ou certains portraits de Bacon, les tableaux imaginés par Jean Lambert-wild sont plus tonitruants que ne pourrait l’être un texte, plus suggestifs que ne le serait tout discours. La musique de Jean-Luc Therminarias accompagne les corps et parle pour eux, entre hurlements, agonie chuchotée et râles douloureux. Au terme d’un long calvaire, les vivants et les morts se retrouvent, dans un monde dévasté, mais enfin réconcilié. Au cœur de l’être, plusieurs forces se déchirent : la tragédie révèle que ce conflit gît au cœur même de la vérité. Toute réconciliation se fait donc dans la mort. Reste aux vivants, qui vont au théâtre, de réussir peut-être à transformer le conflit en dialectique. Ils feront ainsi triompher la raison, même si, comme le dit Nietzsche, la philosophie naît d’une décadence de la tragédie !

Catherine Robert

A propos de l'événement

War sweet war
du mardi 5 février 2013 au jeudi 7 février 2013
COMEDIE DE CAEN
1, square du Théâtre, 14200 Hérouville Saint-Clair

Tél. : 02 31 46 27 29. Le 5 février 2013 à 20h30 ; les 6 et 7 à 19h30. Spectacle vu au Théâtre du Volcan, au Havre. Durée : 1h.
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