Faire revivre la mémoire brisée
C’est vraiment un très beau texte que crée [...]
Lisa Wurmser met en scène l’adaptation du roman d’Erri de Luca, Montedidio, dans un espace onirique et magique, dont la délicatesse plastique sert de cadre à l’aventure initiatique du héros.
Accroche : « A la fois le journal intime d’un jeune garçon, le portrait de la ville de Naples, et l’histoire des deux langues. »
Pourquoi et comment avez-vous adapté le roman d’Erri de Luca ?
Lisa Wurmser : Quand j’ai découvert ce texte, paru il y a dix ans, j’ai été bouleversée, et j’ai attendu de savoir comment réussir à l’adapter pour restituer la délicatesse, l’élégance, la simplicité, l’humanité de son écriture. Montedidio raconte l’itinéraire d’un jeune garçon de treize ans qui, entre Noël et le jour de l’An, perd sa mère, découvre l’amour, et la liberté, métaphorisée par le cadeau qu’il reçoit le jour de son anniversaire : un boomerang. Ce texte est à la fois le journal intime d’un jeune garçon, le portrait de la ville de Naples, et l’histoire des deux langues, le napolitain, langue orale de fureur et de résistance, et l’italien, langue qui permet de davantage se défendre socialement et que le père pousse son fils à apprendre. Le jeune garçon rencontre un personnage onirique, figure philosophique et joyeuse, un cordonnier qui répare gratuitement les souliers des pauvres, appui très fort dans l’histoire de ce garçon, qui est soutenu par ce cordonnier et par le menuisier chez lequel il travaille. Tout est vu à travers l’imaginaire du jeune garçon. C’est pourquoi je n’ai pas voulu transcrire ce parcours tout en dialogues. Il y a aussi des scènes où le héros devient le narrateur, comme si, à la fois, il entrait dans l’histoire et en sortait.
Pourquoi avoir choisi de confier la scénographie à Michele Iodice ?
L. W. : Michele Iodice est un grand artiste, né à Naples où il vit et travaille. Il est également directeur du Musée archéologique. Sa scénographie permet d’éviter les clichés folkloriques sur Naples. Il a imaginé un espace qui nous retient d’être dans l’illustration du roman. C’est un espace d’évasion, presque une installation de rêverie plastique, qui permet de moduler les lieux très simplement, qui offre une modernité au spectacle, et permet un voyage poétique à travers le roman. Michele Iodice a utilisé des matériaux qui mélangent les tissus et l’aluminium. Dans le roman, il y a une présence très forte des esprits qu’imagine l’enfant, et je tenais à ce qu’ils traversent le spectacle. Ces matières mouvantes le permettent. Michele Iodice a inventé une matière qui sculpte des formes, des visages. Le décor comprend aussi une terrasse, élément central, et un nid végétal, qui est le refuge des enfants. L’ensemble compose une scénographie onirique qui seule pouvait convenir pour ce spectacle.
Vous avez aussi fait appel au magicien Abdul Alafrez. Pourquoi ?
L. W. : Parce que la magie est aussi un aspect très important de cette histoire. Naples est une ville insolite où cohabitent le surnaturel et le réel. Entre apparitions, transformations et métamorphoses, intervient la magie. Naples est une ville très baroque qui se prête bien à cette dimension-là.
Propos recueillis par Catherine Robert
C’est vraiment un très beau texte que crée [...]