La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Pinocchio

Pinocchio - Critique sortie Théâtre
© Elisabeth Carecchio Interprétés par Maya Vignando et Anne Rotger, la Fée et Pinocchio qui ment encore et encore… Une scène que les enfants adorent !

Publié le 10 décembre 2010

Joël Pommerat imprime à Pinocchio une qualité de présence magnifiquement spectaculaire, et manifestement moderne. Ses aventures extraordinaires interpellent profondément petits et grands.

Les pièces de Joël Pommerat ont en commun une qualité de présence magnifiquement spectaculaire, présence à la fois magique et artisanale, capable de nous surprendre et nous émouvoir de façon radicale. Cette qualité de présence est l’une des grandes forces du théâtre, car elle interroge en profondeur notre regard sur le monde. Rien à voir avec l’éblouissement de la fête qui vous emporte dans son tourbillon – celle à laquelle participe le pantin Pinocchio par exemple ! Rien à voir non plus avec un produit culturel destiné à plaire. La « véritable histoire vraie » qui se déroule sous nos yeux, outre sa beauté manifeste, questionne les petits et les grands sur ce que grandir veut dire, sur l’usage de la liberté et la signification de la transgression. Sur la façon aussi dont on façonne sa vie, dont on progresse et transforme – si l’on peut ! – ses défauts. Le rôle de la volonté, le vieux combat entre pulsion et raison, entre goût de la liberté voire du néant et nécessité de lutter et se conformer aux schémas sociaux, n’ont rien d’une mièvrerie moralisatrice. Le puissant désir de fuite et de rébellion du pantin a pour principal frein l’amour de son père. Mais que d’embûches, de dangers et d’aventures connaît Pinocchio au cours de son périple initiatique !

Naître pour de bon

La petite fille de neuf ans qui m’accompagne a été subjuguée du début à la fin et a tremblé pour le pantin, adorant la scène où son nez s’allonge et murmurant « encore une mauvaise décision » lorsqu’il embarque finalement dans le camion qui mènera à sa transformation non pas en vrai petit garçon mais en âne… Les enfants aiment les contes et leur sens de l’exagération. Au début, un présentateur souligne l’importance de sa tâche : « ne jamais sortir de la vérité ». Puis apparaît le vieil homme, seul et pauvre. Il crée lors d’un très bel épisode le pantin à partir d’une bûche d’un arbre sombre et maigre. Dès qu’il ouvre la bouche (qu’il n’a pas encore), le pantin rêve tout haut d’une vie facile et confortable et parle mal à son père. Il est effaré par sa pauvreté et a honte de ce dénuement. Ce Pinocchio-là parcourt une route éprouvante avant de « naître pour de bon ». Ce n’est pas le moindre des mérites de cette adaptation que d’avoir su rendre actuelles les errances du pantin, tout en gardant la trame de la fable. Pinocchio apprend et désapprend au fil de ses hésitations et revirements, jusqu’aux retrouvailles océaniques avec son père – la plongée dans la mer est grandiose. L’espace est superbement sculpté par la lumière et le son, et le spectacle, créé en 2008 au théâtre de l’Odéon, avec Pierre-Yves Chapalain dans le rôle du présentateur, Anne Rotger dans celui du pantin et Maya Vignando dans celui de la fée et du mauvais élève, interpelle profondément petits et grands.

Agnès Santi


Pinocchio d’après Carlo Collodi, adaptation et mise en scène Joël Pommerat, du 24 novembre au 19 décembre, du mardi au samedi à 20H, mercredi à 15h et 20h, dimanche à 15H, relâche les 2 et 5 décembre, aux Ateliers Berthier, Odéon-Théâtre de l’Europe, 75017 Paris. Tél : 01 44 85 40 40. Durée : 1h15. A voir aussi Le Petit Chaperon rouge de Joël Pommerat du 30 novembre au 26 décembre aux Ateliers Berthier.

A propos de l'événement


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