La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

La Cerisaie

La Cerisaie - Critique sortie Théâtre CHATILLON Théâtre de Châtillon
Gilles Bouillon fait la fête avant la mise en coupe réglée des cerisiers. Crédit photo : Guillaume Perret

Théâtre de Châtillon / d’Anton Tchekhov / mes Gilles Bouillon

Publié le 21 décembre 2015 - N° 239

Gilles Bouillon réunit ses fidèles et les membres de la compagnie du Passage, dirigée par Robert Bouvier, pour une Cerisaie tout en contrastes. Les comédiens virevoltent sur le rôle du temps et le théâtre se fait boîte à mémoire.

Allégorie du temps qui passe sur fond de crise d’un monde qui n’a plus les moyens de sa légèreté, La Cerisaie tient subtilement l’équilibre entre le drame et le rire, les pleurs et la farce : on dirait que s’y joue la vie même. « Dans la vie, il n’y a pas d’effets ni de sujets bien tranchés ; tout y est mêlé, le profond et le mesquin, le grand et le vil, le tragique et le ridicule », dit Tchekhov dans sa correspondance : cette phrase sert d’exergue à la mise en scène de Gilles Bouillon. L’ancien directeur de l’Olympia tourangeau a quelque chose de tchekhovien dans sa faconde et sa générosité, son attention aux autres et son souci quasi familial de la troupe. C’est à lui que l’on pense en voyant Lioubov, fragile et résistante, contrainte de vendre le domaine et de voir abattre les arbres qu’elle aimait tant. De même que l’aristocrate revient une dernière fois au domaine pour retrouver le goût et les joies de son enfance parmi les siens, Gilles Bouillon réunit les acteurs avec lesquels il a travaillé jusqu’alors, avant de reprendre sa route sur les chemins de l’opéra et du théâtre.

Un crépuscule aux allures d’aurore boréale

La blancheur inutile des bouquets envoûtants des cerisiers sera sacrifiée sur l’autel de la rentabilité, mais avant cela, une dernière fête s’impose. La magie, les cotillons, le champagne et les rires créent des images jubilatoires, et la scène qu’orchestre Gilles Bouillon au mitan de la pièce est magnifique. Douze comédiens sur le plateau, les très beaux costumes de Cidalia Da Costa, les délicates lumières de Pascal Di Mito, qui donnent un air d’aurore boréale au crépuscule qui enveloppe les personnages : tout a le charme de ce théâtre qui avait encore, il y a peu, les moyens d’un collectif joyeux et frivole. Lopakhine est peut-être en ce sens notre exact contemporain : réduit à vendre le domaine commun en parcelles individuelles pour n’avoir pas su avouer son amour pour le monde d’avant, qu’incarne Lioubov. Si Nine de Montal offre une élégante profondeur à l’égoïsme serein de la belle aristocrate, Thibaut Corrion campe un Lopakhine complexe, entre naïveté et cynisme. Il était Christian dans le Cyrano de Bergerac de Gilles Bouillon ; qui s’en souvient appréciera d’autant le clin d’œil. Amoureux maladroit de Roxane, il devient le vendeur brutal du domaine : ainsi en va-t-il du théâtre dont on réduit le budget et qu’on dépèce comme la cerisaie… Puisse le public se souvenir qu’il est le dernier gardien du rêve en temps de crise, et qu’il aille au spectacle !

Catherine Robert

A propos de l'événement

La Cerisaie
du jeudi 7 janvier 2016 au samedi 16 janvier 2016
Théâtre de Châtillon
3 Rue Sadi Carnot, 92320 Châtillon, France

Tous les jours à 20h30 ; dimanche à 15h30 ; relâche le 13. Tél. : 01 55 48 06 90. Durée : 2h15. Tournée nationale jusqu’en mars 2016. Spectacle vu au Centre Culturel Le Figuier Blanc d’Argenteuil.

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