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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre

Aglaé

Aglaé - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Claude Degliame interprète Aglaé, un spectacle écrit et mis en scène par Jean-Michel Rabeux. Crédit : Alain Richard

Théâtre du Rond-Point / texte et mes Jean-Michel Rabeux

Publié le 28 décembre 2016 - N° 250

Claude Degliame se déplace au milieu des spectateurs. Assis sur des tabourets, ils l’écoutent rendre compte des souvenirs et des pensées d’une prostituée de 70 ans. C’est Aglaé, une ode à la liberté et à la différence mise en scène par Jean-Michel Rabeux.

« Moi, dit-elle, bouchère par exemple, j’aurais jamais pu. La viande ça me dégoûte. Mais vraiment, j’aurais jamais pu, je vous jure. Même bouchère avec un salaire de pute. Ça me donne des nausées, la barbaque. Ça a une odeur qui me donne la nausée, voilà. Sucer une bite, non. La bidoche, je peux pas. Voilà. » Claude Degliame et Jean-Michel Rabeux ont rencontré Aglaé à Marseille. En fait, Aglaé, ce n’est pas son prénom. Mais, lorsque la comédienne et le metteur en scène lui ont proposé de concevoir un spectacle à partir de son histoire, cette prostituée de 70 ans a accepté à condition que soit préservé son anonymat. Ce n’est pas qu’elle n’assume pas ce qu’elle fait, sa vie, ses choix. Non. Pas du tout. Bien au contraire. Elle dit être fière de son métier. Très fière. Mais le problème, c’est son fils. Ou plutôt les enfants de son fils. Qu’elle n’a jamais voulu rencontrer. Qui ne savent pas qui est leur grand-mère. A qui elle ne se voit pas devoir préciser le champ de son activité… Toutes ces choses – décalées, profondes, crues – confiées par cette femme, Claude Degliame et Jean-Michel Rabeux les racontent sur scène avec beaucoup d’intelligence et de délicatesse.

Une classe folle

Car il n’est jamais question, dans cette création d’une tenue exemplaire, de verser dans la moindre forme de crânerie, de provocation, de complaisance. Il fallait une interprète aussi aiguë (et ambiguë) que Claude Degliame pour investir toutes les dimensions de cette parole singulière. L’entendre chanter, a capella, Le plus beau tango du monde, dans toute la simplicité de sa voix, en s’abandonnant, par instants, à la fragilité du chuchotement, est peut-être l’un des moments les plus touchants de la représentation. Un contrepoint aux rires que certaines révélations ne manquent pas de susciter. Nuisette au corps, bottines aux pieds, lunettes noires fantaisies au visage, Claude Degliame a ici quelque chose d’une fildefériste : à la fois tendre et solide, opaque et lumineuse. Elle sillonne l’espace du public en frôlant quelques bras et accrochant quelques regards. Une femme libre s’impose. On la suit, on apprend à la connaître. On tombe évidemment sous son charme. C’est un hommage d’une classe folle que l’actrice et son metteur en scène rendent ici à Aglaé. Un hommage à travers lequel nos esprits s’ouvrent à une autre façon d’être et de penser. Une autre façon de vivre. De regarder le monde.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Aglaé
du mercredi 4 janvier 2017 au dimanche 29 janvier 2017
Théâtre du Rond-Point
2 Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris, France

à 20h30, le dimanche à 15h30. Relâches les lundis et le 8 janvier. Spectacle vu le 8 décembre 2016 aux Salins – Scène nationale de Martigues. Durée de la représentation : 1h. Tél. : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr.

 

Egalement les 4 et 5 mai 2017 au Bateau feu – Scène nationale de Dunkerque.

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