La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

12 hommes en colère

12 hommes en colère - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Hébertot
La colère monte chez les douze jurés. © Laurencine Lot

Théâtre Hébertot / texte Reginald Rose / mes Charles Tordjman

Publié le 24 octobre 2017 - N° 259

Par une mise en scène sobre de la pièce qui inspira à Sidney Lumet son grand film, Charles Tordjman accentue le mystère des êtres et les mécanismes à l’œuvre dans nos préjugés.

C’est plié d’avance. Le gamin est coupable. Il a assassiné son père, deux témoins l’affirment, il ne coupera pas à la chaise électrique. Et pourtant… Sur les douze jurés chargés de trancher le sort de l’accusé au cours d’une délibération mémorable, un seul homme doute. Si ce juré n° 8 vote non coupable, ce n’est pas tant parce qu’il est persuadé de l’innocence de l’accusé que parce qu’il estime qu’envoyer quelqu’un à la mort, « cela mérite d’en parler au moins une heure ». Alors, dans la chaleur accablante d’un après-midi d’été, le voilà qui revisite le procès étape après étape pour ébranler les certitudes des onze qui finissent un à un par éprouver un « doute légitime ». Tous ceux qui ont vu le film intense de Sydney Lumet inspiré par la pièce de Reginald Rose se souviennent de l’âpreté des discussions et de la formidable interprétation d’Henry Fonda. Si aujourd’hui, dans notre pays du moins, le débat sur la peine de mort a été résolu par le législateur, la pièce n’en garde pas moins une vibrante actualité sur vérité et (in)justice.

Préjugés de classe

Pour mettre en scène ce huis clos entre douze hommes où, comme dans une pièce classique, règne la règle des trois unités, Charles Tordjman dresse un décor minimaliste (une baie vitrée tout en longueur surmontée d’une horloge en son centre) qui n’est pas sans rappeler les tableaux d’Edward Hopper. Mêmes lignes épurées, même travail sur la lumière qui découpe les personnages, même inquiétude latente. C’est le mystère des êtres qui semble intéresser Charles Tordjman, en particulier ce qui est à l’œuvre, de façon plus ou moins consciente, dans les préjugés. Alors qu’au début, ce qui frappe dans l’assemblée hétérogène des jurés sont les différences de personnalités liées aux caractères ou opinions, on voit peu à peu émerger de bien plus insupportables différences qui expliquent que onze hommes arrivent à se convaincre de la culpabilité d’un accusé. Ce qui prend le dessus, ce sont notamment les classes sociales, et les réflexes liés à chacune. Comme le dit Charles Tordjman : « Il y a à haute et basse voix l’envie d’en finir avec ce coupable idéal, prédestiné à faire monter la colère. » Dommage que cette lecture fine perde du terrain face à une scénographie écrasant l’espace de jeu, et que les acteurs restent la plupart du temps trop intérieurs, à l’exception d’Olivier Cruveiller, d’abord discret puis étonnant d’autorité.

Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

12 hommes en colère
du jeudi 5 octobre 2017 au dimanche 7 janvier 2018
Théâtre Hébertot
78 Boulevard des Batignolles, 75017 Paris, France

Du mardi au dimanche à 19h. Tél. : 01 43 87 23 23. Durée : 1h20.

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