La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Yves Chaudouët et François Chattot

Yves Chaudouët et François Chattot - Critique sortie Théâtre
Yves Chaudouët

Publié le 10 mars 2008

Porosité contre morosité !

Le Théâtre Dijon Bourgogne et son directeur, François Chattot, invitent Yves Chaudouët pendant trois semaines. Voilà l’occasion de découvrir les deux premiers textes théâtraux de ce créateur polymorphe, Conférence concertante et Dans le Jardin avec François, mais aussi certaines de ses performances plus anciennes ainsi que des propositions offertes par des compagnons et des complices de talent.

Comment vous êtes vous rencontrés ?

François Chattot :
Nous nous connaissons depuis une dizaine d’années. A l’occasion du spectacle Lettres d’Hölderlin à sa mère, la metteur en scène, Juliette Chemillier m’a présenté ce peintre, graveur et plasticien qui signait la scénographie et avait inventé un espace mental approprié à la rêverie et à la folie du poète, une structure d’acier sur laquelle je faisais le funambule. J’étais content de rencontrer un artiste que je ne connaissais pas. Après, j’ai vu ses expositions, nous avons sympathisé, nous avons organisé des concours de bœuf bourguignon et de canard à l’orange et puis un jour, il m’a envoyé un texte de théâtre en me disant qu’il avait aussi créé une compagnie de théâtre… J’ai donc découvert cette Conférence concertante où quatre personnages, entre Beckett et l’Oulipo, décrivent un paysage et donnent au spectateur l’impression d’entrer dans une peinture, faisant opérer la force du théâtre sur le terrain pictural. Je lui ai proposé de venir créer ce spectacle à Dijon et comme Yves est polymorphe, sa venue est devenue l’occasion de montrer toutes les facettes de sa polyphonie.
 
Pourquoi intituler ce cycle artistique « Dehors » ?

Yves Chaudouët :
D’abord par jeu sur les mots. Ensuite en référence au dehors intellectuel que définit Foucault dans La Pensée du dehors à propos de Blanchot et d’une création hors pathos, hors subjectivité, distancée, hors contexte. Cette référence conceptuelle est fondamentale pour notre époque imprégnée par les clichées personnels. Ensuite parce qu’il s’agit de faire du théâtre à l’extérieur du théâtre. Enfin parce que le dehors signifie ici la porosité des genres. Nous souffrons tous les deux des parois trop étanches et pour ma part, dans mes créations, je ne me pose pas la question du médium. Le mouvement entre les genres se fait de manière fluide et naturelle. En France, il faut toujours choisir son camp. On est encore en train de méditer sur la légitimité de la transdisciplinarité alors que depuis Dada, tout le monde le fait !
 
« Les images sont en fait dans l’esprit du regardeur. »
 
Qu’ont de commun toutes les propositions artistiques de ce cycle ?

Y. C. :
« Qu’on invente un être nouveau sinon qu’on se tienne tranquille. », disait Jarry. Notre but est de permettre aux spectateurs d’inventer de vrais paysages en oubliant tout ce qu’ils ont appris. Les images sont en fait dans l’esprit du regardeur, ce pourquoi toutes nos propositions reposent sur une extrême économie de moyens, des dispositifs minimalistes : la vitrine d’un grand magasin, un café où on se retrouve le matin, la force de certains comédiens… Il s’agit de toujours être capable, à partir de presque rien, de faire naître des images et un monde nouveaux.
 
Cette expérience menée à travers toute la ville ne risque-t-elle pas de désorienter le public ?

F. C. 
: Dehors relève à la fois de l’art dramatique, puisqu’il y a du théâtre, mais est aussi une école buissonnière permettant, par des chemins de traverse, de faire naître une rêverie poétique à l’occasion de toutes ces micro-formes d’art et micro-rencontres humaines. Comment faire du lien sensuel, social, politique : voilà la question. Car c’est aussi interroger la fonction de l’art et sa relation avec une cité que d’essayer de tisser ce lien autrement que dans les formes classiques d’exposition. Nous tentons donc ce désenclavement comme un challenge en espérant qu’il va rendre les gens gourmands et avides d’aller de découverte en découverte, en rencontrant des artistes et pas seulement des œuvres, en tricotant ensemble du plaisir, en recréant des petits points de scintillement dans le désert, en allant, comme sur un archipel, d’îlot en îlot de création.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Dehors. Cycle Yves Chaudouët – théâtre, peinture, musique et cinéma. Du 11 au 29 mars 2008. Théâtre Dijon Bourgogne – Centre Dramatique National. Accueil et billetterie au Parvis Saint-Jean, rue Danton, 21000 Dijon. Programme, renseignements et réservations au 03 80 30 12 12 et sur www.tdb-cdn.com

A propos de l'événement


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