Lieu de l’apparition théâtrale
Yan Allegret confie à Redjep Mitrovitsa le texte qu’il a écrit à partir d’une expérience d’isolement menée au Japon et empreinte des effluves floraux du kabuki et du sumo.
« Hana no michi, le titre de ce spectacle, dérive de hanamichi, mot japonais utilisé dans le théâtre kabuki et dans les arts de combat, notamment le sumo. Il est le lieu d’une apparition puisqu’il désigne l’endroit où apparaît le personnage théâtral ou le combattant et, par tradition, on le couvrait de fleurs : il est donc ce « sentier des fleurs ». Ce titre parle du chemin, ni point de départ ni destination, mais cheminement semblable à une traversée initiatique qui s’ancre à l’intérieur du personnage, volontairement isolé dans une chambre close. Cette immobilité apparente creuse le cheminement en lui, et cette chambre apparaît comme une entité vivante, traversée de figures. Ce cheminement évoque aussi celui de l’écriture et de la création. C’est une expérience que j’ai vécue personnellement et j’ai utilisé, pour composer le texte, la matière existentielle que j’avais sous la main. J’ai inventé une figure qui me ressemblait mais que l’écriture a, peu à peu, détachée de moi jusqu’à ce que, dans un second temps, la lumière, le son et la mise en scène redonnent une consistance à cette écriture. L’espace créé n’est pas un espace mental. Il est très concret même s’il ne semble pas réel. C’est un peu comme dans Le Rêve du papillon de Tchouang-Tseu, qui se rêve en papillon et se demande au réveil s’il n’est pas un papillon qui se rêve en Tchouang-Tseu.
Un acteur évident explorant le labyrinthe du texte
J’étais seul quand j’ai écrit le texte. La vie m’a fait rencontrer sept acteurs au Japon, avec lesquels je l’ai monté en japonais. Puis la rencontre avec Redjep Mitrovitsa a constitué comme une seconde évidence. Le fait de l’inviter à travailler avec moi a permis de boucler une boucle, en revenant à une solitude première. Choisir un acteur unique suppose qu’il prenne tout en charge : le labyrinthe, celui qui s’y égare, le Minotaure et le fil d’Ariane qui accompagne le spectateur. C’est à la fois très complexe et très beau, du fait de cette complexité. Pour réussir à être tout cela, il fallait quelqu’un capable d’incarner une multitude de paysages et Redjep Mitrovitsa est un acteur de cette trempe-là. C’est un être de textes. En tant qu’écrivain, je savais qu’en lui confiant ce texte, je trouvais quelqu’un au moins au même niveau de précision que moi, si ce n’est plus. C’est quelqu’un qui peut atteindre des profondeurs ou des clartés d’interprétation assez rares. Il fallait que je puisse envoyer dans les galeries du texte quelqu’un capable de les explorer, de les éclairer, et de ne pas s’y perdre. »
Propos recueillis par Catherine Robert
Hana no Michi ou Le Sentier des fleurs, texte et mise en scène de Yan Allegret ; avec Redjep Mitrovitsa. Du 4 au 8 avril 2011 à 20h. TGP-CDN de Saint-Denis, 59, boulevard Jules-Guesde, 93200 Saint-Denis. Réservations au 01 48 13 70 00.