La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Willy Protagoras enfermé dans les toilettes

<p>Willy Protagoras enfermé dans les toilettes</p> - Critique sortie Théâtre
©dr Légende Une sorte de Radeau de la Méduse contemporain, où le rire combat le désespoir…

Publié le 10 avril 2007

Magali Léris s’empare avec une pétulante énergie et un vrai sens du rythme
d’une des premières pièces de Wajdi Mouawad, aussi puissamment drôle que
cruellement désespérée.

Lorsque Wajdi Mouawad sait contenir son lyrisme, il offre un théâtre d’une
précision humaine et psychologique rare et remarquable de simplicité et de
vérité. Tel est le cas des aventures du jeune Willy Protagoras qui,
contrairement à l’antique sophiste dont il porte le nom, ne s’emberlificote pas
dans les rets d’une rhétorique subtile mais pose l’ultimatum de la claustration
comme seule réponse possible aux questions qu’il n?arrive pas à résoudre. Sauf
que Willy s’est enfermé dans les toilettes et qu’il fait littéralement chier
tout l’immeuble en entravant le fonctionnement sphinctérien des habitants de
l’appartement. Ledit appartement est partagé par les familles Protagoras et
Philisti-Ralestine, la première se repentant depuis longtemps d’avoir accueilli
la seconde sous son toit. La guerre est incessante entre les deux clans et la
prise d’otages par Willy des côlons contractés offre l’inattendu bénéfice d’un
cessez-le-feu momentané, la victoire sur l’autre s’effaçant devant la nécessité
d’avoir enfin accès au trône?

Un charnier carnavalesque avec vue sur la mer

Plaisamment ordurier, volontiers grossier, scatologique à souhait, Mouawad
s’en donne à c’ur joie dans le réalisme comme dans la métaphore, en une écriture
gaillarde et désopilante. La lecture politique s’impose avec évidence et on voit
le Moyen-Orient se déchirer à travers le conflit opposant les Protagoras et les
Philisti-Ralestine pour quelques mètres carrés avec vue sur la mer? La satire
joue adroitement de la dialectique entre grotesque et tragique, notamment grâce
à l’invention des personnages des voisins, tous plus veules, imbéciles et
calculateurs les uns que les autres, qui profitent de la situation dramatique
des deux familles pour alimenter leurs conversations vipérines et leur
voyeurisme sadique. Magali Léris a réuni une troupe de choc pour interpréter ce
texte. Les comédiens font tous preuve d’une force comique et dramatique mesurée,
qui évite les écueils de la farce gratuite et de la grandiloquence vaine. La
mise en scène s’appuie sur des panneaux mobiles qui jouent de l’opacité et de la
transparence, modulant l’espace et les points de vue avec autant d’ingéniosité
que d’économie et permettant au rythme effréné de la pièce de ne jamais
s’essouffler. Un spectacle enlevé, trépidant, grinçant et drôle qui offre à la
colère de Willy l’écrin de véracité et de justice qu’elle mérite.

Catherine Robert

Willy Protagoras enfermé dans les toilettes, de Wajdi Mouawad ; mise en
scène de Magali Léris. Du 23 avril au 20 mai 2007. Mardi, mercredi, vendredi,
samedi à 20h ; jeudi à 19h ; dimanche à 16h ; relâche le lundi sauf le 23 avril,
à 20h ; relâche le 25 avril. Théâtre d’Ivry Antoine Vitez, 1, rue Simon Dereure,
94200 Ivry. Réservations au 01 43 90 11 11. Du 22 au 25 mai à 20h30. Comédie de
Clermont-Ferrand. Maison de la Culture. Rue Abbé-de-l’Epée. 63000
Clermont-Ferrand. Réservations au 04 73 29 08 14. Texte publié chez Actes
Sud-Papiers.

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