La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2013 - Entretien Lazare

Vivre sans s’arrêter aux frontières

Vivre sans s’arrêter aux frontières - Critique sortie Avignon / 2013 Villeneuve lez Avignon Tinel de la Chartreuse
© Hélène Bozzi

Tinel de la Chartreuse / Au pied du mur sans porte / texte et mes de Lazare

Publié le 26 juin 2013 - N° 211

Dans une langue truculente et par le métissage entre les différents langages scéniques, Lazare retrace l’itinéraire de Libellule, qui construit son adolescence dans une cité délaissée de banlieue.

« Dire qu’on peut être libre de ses choix, tenir sa vie, trouver les bons combats. »

Au pied du mur sans porte est le deuxième volet d’une trilogie. Que raconte-t-elle ?

Lazare : Cette trilogie s’ouvre avec Passé – je ne sais où, qui revient, et se conclut avec Rabah Robert. C’est un triptyque construit autour du personnage de Libellule, et qui retrace les trous de l’Histoire de France. Dans Passé – je ne sais où, qui revient (dont le titre est emprunté à Pessoa, comme pour Au pied du mur sans porte), le personnage de la mère de Libellule évoque les massacres du 8 mai 1945 en Algérie, où la répression du soulèvement nationaliste s’est soldée par un bain de sang. Dans Au pied du mur sans porte, c’est le fils qui raconte. Libellule a six ans, il est tout gentil, tout mou, encore dépourvu d’écorce, et il va s’en créer une. J’ai commencé d’écrire ce texte à l’occasion d’une résidence dans une école à Bagneux. J’étais assis sous les arbres, dans la cour, et je parlais avec les enfants. Leur gaité, leur luminosité étaient impressionnantes au milieu de tout ce gris, de cet univers très dur. Comment un individu peut-il grandir en se durcissant et en fermant les portes autour de lui ? Libellule rencontre différents personnages : la femme de ménage de l’école, la directrice, un policier. Il est confronté à des choix et à des tentations, comme la drogue, le cochon ou l’homosexualité. Le spectacle pose la question de savoir à quoi tient une vie, entre toutes les illusions qu’on se crée, et insiste sur l’importance de croire à ses rêves.

Comment travaillez-vous ?

L. : D’abord avec des gens atypiques, qui ne viennent pas du milieu officiel. J’aime bien casser les groupes, et j’aime que les artistes que je réunis ne se ressemblent pas tous. Puisque ça parle de la différence, il faut des acteurs très différents, des gens très différents, d’âges très différents. L’équipe artistique assume ces différences, ce qui est justement le sujet de la pièce. Ensuite, l’écriture s’est faite en trois temps. J’ai d’abord écrit un long poème où je parle de mon enfance dans mon quartier. Ensuite, je suis allé vérifier mon rêve en le confrontant à la réalité. J’ai ainsi interviewé un policier de la BAC pour éclairer le personnage du policier dans la pièce. Dans un troisième temps, j’ai vérifié que le texte faisait jouer l’espace théâtral, avec les acteurs au plateau, et j’ai réécrit quand ça ne fonctionnait pas. Je pars du texte et je vois si le geste arrive. Il y a un espace, un propos, et je vois comment les désirs créent du mouvement.

Que voulez-vous dire par l’intermédiaire de ce spectacle ?

L. : Il n’y a pas d’accusation dans cette pièce. Je n’ai pas envie de créer du ressentiment et de la haine, mais plutôt des formes de compréhension. Il ne s’agit pas d’être dans une forme de protestation qui utiliserait les mêmes armes que ceux qui oppressent. Il s’agit de dire qu’on peut être libre de ses choix, tenir sa vie, trouver les bons combats. Pour cela, il faut ouvrir les mondes et se débarrasser des fausses identités qu’on a voulu fixer. Rien n’est joué et le destin n’est pas écrit à l’avance. Les choses sont en devenir : il s’agit de vivre vraiment, sans s’arrêter aux frontières.

 

Propos recueillis par Catherine Robert

A propos de l'événement

Au pied du mur sans porte
du lundi 15 juillet 2013 au jeudi 18 juillet 2013
Tinel de la Chartreuse
58 rue de la République, Villeneuve lez Avignon

Festival d’Avignon. Tinel de la Chartreuse. Du 15 au 18 juillet à 18h30. Duré : 1h50. Tél. : 04 90 14 14 14.
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