La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Vangelo

Vangelo - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre du Rond-Point
Pippo Delbono dans Vangelo Crédit : Luca Del Pia

Entretien / Pippo Delbono / Théâtre du Rond-Point / de Pippo Delbono

Publié le 28 décembre 2016 - N° 250

Sur son lit de mort, la mère de Pippo Delbono lui a demandé de faire un spectacle sur les évangiles. Partant de sa propre existence, ainsi que de la relation qui le liait à cette mère fervente catholique, l’homme de théâtre italien a imaginé Vangelo. Une création en forme de messe laïque et lyrique qui oppose la « grâce de la foi » aux « violences et aux massacres que la religion peut justifier ».

Qu’avez-vous souhaité placer au centre de ce spectacle sur les évangiles ?

Pippo Delbono : A travers ce spectacle, j’ai eu besoin de revenir à des choses qui appartiennent à mon histoire personnelle, à ma vie d’homme élevé dans le catholicisme, à la relation que j’entretiens avec Dieu et la religion. Tout cela, pour rendre compte des événements qui composent le monde dans lequel nous vivons : la beauté, la douleur, l’art, le fanatisme, la maladie, la schizophrénie, le mensonge… Vangelo met les évangiles en regard avec la montée actuelle du racisme et de la xénophobie. Cette montée de l’intolérance se manifeste aussi chez les personnes de confession catholique. Ces comportements sont en contradiction totale avec les paroles d’amour et d’ouverture aux autres qui se trouvent dans les évangiles.

On vous range parfois du côté des artistes provocateurs. Vous envisagez-vous comme tel ?

P. D. : Pas du tout. Je suis un artiste qui, à l’intérieur de sa compagnie, avec des êtres humains venant de tous les horizons, veut montrer comment est le monde. Est-ce une provocation que de parler du mensonge et de l’hypocrisie ? Je ne crois pas. Mais il est sûr que mon théâtre sort d’une narration traditionnelle pour inventer des signes qui parlent à un éventail de personnes très large. Je veux faire du théâtre pour les analphabètes, pour les sourds-muets, pour les réfugiés, pour les gens qui parlent d’autres langues… Cela, en m’attachant à ne jamais tomber dans la tristesse, malgré l’époque très difficile dans laquelle nous vivons. Je crois que l’on a besoin d’être léger comme des feuilles et profond comme des pierres : le théâtre doit contenir ces deux dimensions.

« On a besoin d’être léger comme des feuilles et profond comme des pierres : le théâtre doit contenir ces deux dimensions. »

Vos créations portent un regard lucide et concret sur ce qui nous entoure. Pensez-vous que le théâtre puisse faire bouger la société ?

P. D. : Je crois qu’il peut réveiller la conscience des spectateurs, qu’il peut ouvrir leur esprit, leur regard à d’autres choses. Ce qu’il y a de très beau dans une salle de spectacle, c’est qu’on y voit une communauté qui se rencontre. Une communauté qui se retrouve pour réfléchir. C’est la raison pour laquelle ce qui se joue au théâtre est beaucoup plus profond que ce qui se joue au cinéma. A condition que les artistes ne cherchent pas à rassurer le public. Mais pourquoi le feraient-ils ? Le monde, lui, est loin d’être rassurant…

C’est votre mère, avant de mourir, qui vous a demandé de créer un spectacle sur les évangiles. Que penserait-elle, selon vous, de Vangelo ?

P. D. : Lors des obsèques de ma mère, quelqu’un est venu vers moi pour me dire qu’elle était une grande dame. Elle lui avait confié, un jour, qu’elle ne pouvait pas se sentir comblée par ce que j’étais devenu, car j’avais toujours fait exactement l’inverse de ce qu’elle m’avait dit de faire. En matière de famille, d’amour, de religion… Mais elle a ajouté que, malgré cela, j’avais réussi, et qu’elle était fière de moi. C’est cette mère-là que je garde en moi. Pas la bigote, mais celle qui avait en elle, au-delà de tout ce qui nous différenciait, une grande liberté. Je crois que cette femme-là aimerait Vangelo

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Vangelo
du jeudi 5 janvier 2017 au samedi 21 janvier 2017
Théâtre du Rond-Point
2 Avenue Franklin Delano Roosevelt, 75008 Paris, France

à 21h, le dimanche à 15h. Relâches les lundis et le 10 janvier. Tél. : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr.

 

Egalement, les 24 et 25 janvier 2017 à la Scène nationale La Rose des Vents à Villeneuve-d’Ascq, les 27 et 28 janvier à L’Hippodrome – Scène nationale de Douai, le 31 janvier au Manège - Scène nationale de Maubeuge, les 3 et 4 février à La Filature - Scène nationale de Mulhouse, les 7 et 8 février à L’Espace Malraux - Scène nationale de Chambéry, les 18 et 19 février au Théâtre de la Place à Liège (version opéra), les 2 et 3 mars à la Maison de la culture d’Amiens, les 10 et 11 mars à Bonlieu - Scène nationale d’Annecy, les 14 et 15 mars à la Scène nationale de Clermont-Ferrand, le 18 mars à la Scène nationale de Sète.

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