La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Un Fil à la patte

Un Fil à la patte - Critique sortie Théâtre
Crédit : Christophe Raynaud de Lage Légende : « Les comédiens en verve d’un Fil à la patte. »

Publié le 10 janvier 2011 - N° 184

Avec Un Fil à la patte, Jérôme Deschamps fait du vaudeville, ce divertissement léger et débridé de Feydeau, un long feu d’artifice empanaché d’éclats de rire.

Les clowns et leurs pitreries, des figures grotesques et burlesques, sont identifiables au cours des carnavals de toute époque entre guerres et calamités. Ce rire collectif manifeste les contradictions mêmes de la société. Feydeau écrit Un Fil à la patte en 1894, tout près d’un siècle nouveau et de la Belle Époque qui vit entre légèreté et frivolité dans un Paris dont l’enrichissement tient à la spéculation sur la vente des terres. Cette période pourrait en rappeler une autre, malmenée par la crise et enivrée par les fantasmes de la réussite et de l’argent facile.« On rit de plus en plus mais on fait encore triste mine »(Jacques Le Goff). L’argent est le mobile actif du Baron d’Enghien (Hervé Pierre), sur le point d’épouser une jeune et riche héritière (Georgia Scalliet), tenu ainsi à l’obligation de régler ses comptes avec sa maîtresse Lucette (Florence Viala), une chanteuse enjouée de café-concert. Celle-ci ne l’entend pas de cette oreille et met tout en œuvre pour qu’échoue le mariage. Entre-temps, le baron doit composer non seulement avec sa future belle-mère altière (Dominique Constanza), mais avec le soupirant de Lucette, un général matamore au brio sud-américain (Thierry Hancisse). Mauvais littérateur et clerc de notaire, Bouzin est de la partie, un personnage comique auquel Christian Hecq accorde démesure et folie.
 
Grimaces de pitre, jeux de mots, quiproquos de comédie
 
Grimaces de pitre, jeux de mots, quiproquos de comédie, le répertoire absurde des marionnettes humaines est intériorisé par le chœur réjouissant des comédiens dont le peu apprécié Fontanet (Serge Bagdassarian), la gouvernante anglaise (Guillaume Gallienne) et la sœur de Lucette (Claude Mathieu) qui porte la coiffe bretonne du pays bigouden. Les costumes de Vanessa Sannino pétillent sous la lumière scénique, les atours sont magnifiques d’invention dans leur ligne expressive colorée, loufoque mais splendide. À celui qui provoque le rire, on reproche sa distraction ; le distrait manque de souplesse, d’adresse et de sociabilité, il ne sait pas s’adapter au bon sens, à cet instinct magistral de survie qui gouverne le quotidien. Impassibilité émotive du visage, gestuelle acrobatique et glissades, vêtement étriqué, l’élasticité du clown Christian Hecq joue sans cesse de cet écart entre la posture attendue et celle qui est déployée. Le pitre gesticule, trébuche, ne voit pas le danger et, hébété, ne parvient pas à son but. L’énergie mobile et dionysiaque de ce pantin révèle une poésie festive de la chute et de l’échec outrepassant la honte et miroitant à la face du spectateur. Un même plaisir collectif de jouer chez tous communique sa grâce.
 
Véronique Hotte


Un Fil à la patte, de Georges Feydeau ; mise en scène de Jérôme Deschamps. Du 4 décembre 2010 au 18 juin 2011, Salle Richelieu en alternance. Comédie-Française Place Colette – 75001 Paris. Réservations : 0 825 10 16 80 (à 0,15 euro la minute) Durée : 2h30

A propos de l'événement


x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre