O vous Frères humains
Au Théâtre des Halles, Alain Timar poursuit [...]
Sur un texte commandé à Stéphane Jaubertie, un très beau spectacle d’Olivier Letellier qui confirme une fois de plus son talent. Poétique et merveilleuse malgré la cruauté, l’œuvre dissèque les ravages de la honte et révèle les pouvoirs de l’imagination.
Un jeune homme se souvient : « la tête de mon père a commencé à partir et elle a tout emporté. » Dépression de la mère, moqueries cruelles des uns et des autres, solitude irrémédiable : la honte s’est installée. Comme le suggèrent les artistes qui ont remarquablement façonné cette pièce, et avec eux des médecins tels que Boris Cyrulnik, l’irrémédiable peut être conjuré et il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de l’imagination ! Les souvenirs du Fils émergent et avec eux renaissent son jardin secret et deux amis imaginaires, enjoués, vifs et chaleureux : Le Fils de la Baleine, dont la mère est obèse, et Celle qui reste, dont la sœur si douée capte toute l’attention (« j’ai commencé à m’effacer », dit-elle). Trois comédiens incarnent le Fils et ses deux acolytes – Jérôme Fauvel, Alexandre Ethève et Camille Blouet -, et en alternant action et récit, ils redonnent vie à des pans marquants de son enfance. La singulière force d’évocation des marionnettes participe activement à la mise en scène : la mère est représentée par une très longue chevelure (figure bien peu protectrice), ses deux “camarades“, marionnettes en bout de perche, s’agitent et méchamment persiflent – un joufflu et un maigrichon, mélange de bêtise et de méchanceté. Le Fils devient “Fils du Fou“…
Conjonction entre les mots et la scène
C’est alors que l’esprit peut s’abîmer : « une bête à l’intérieur, ça n’a l’air de rien mais ça n’a pas de limites. » En faisant de la scène un espace symbolique, à la fois profondément ancré dans un vécu très douloureux et nourri de merveilleux et de moments oniriques, Olivier Letellier réussit un très beau spectacle, dans une formidable conjonction entre les mots et la scène. Commandé à Stéphane Jaubertie, le texte a été travaillé au plateau aves les comédiens. L’univers sonore, les lumières, le jeu des couleurs, la scénographie qui découpe savamment l’espace, avec comme unique et suffisant terrain d’invention un canapé, contribuent à faire résonner puissamment cette histoire universelle et commune. Olivier Letellier distille avec science et efficacité tous les artifices du théâtre. « Mettre l’adulte face à sa part d’enfance, et l’enfant face à sa peur de devenir adulte » dit-il. Petits et grands, allez-y !
Agnès Santi
Tél : 01 53 65 30 00. Spectacle vu au Théâtre de la Commune à Aubervilliers. Durée : 1h30. Dès 9 ans.
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