La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Un appel à la liberté créatrice

Un appel à la liberté créatrice - Critique sortie Théâtre CHATILLON Théâtre de Châtillon
Une équipe prête à en découdre…

Entretien/Théâtre de Châtillon / Ubu roi / de Alfred Jarry / adaptation et mes Jérémie Le Louët

Publié le 28 octobre 2014 - N° 225

Après Affreux, bêtes et pédants, satire mordante et foisonnante de la vie culturelle française, la compagnie des Dramaticules poursuit son œuvre et s’attaque à Ubu roi, insolente pièce de jeunesse rompant joyeusement avec la tradition. Soyez prêts à une jubilatoire mise en crise de… la représentation !

Pour quelles raisons avez-vous voulu mettre en scène Ubu roi ?
Jérémie Le Louët : Parce que cette pièce est un appel à la liberté créatrice. Aujourd’hui, les artistes doivent de plus en plus se conformer à des critères de format, de genre, de mode… Notre dernier spectacle, Affreux, bêtes et pédants, attaquait les formats et les postures. Notre Ubu roi s’inscrit dans cette dynamique : libre, non linéaire, sarcastique et affranchi de toute révérence.

 

Comment rendre compte de l’aspect provocateur et transgressif de l’œuvre ?

J. L. L. : Ubu roi est aujourd’hui considéré comme un classique, non comme une œuvre de subversion. Et aussi impensable que cela puisse paraître, il y a un « académisme Ubu », avec son imagerie indécrottable : le personnage du Père Ubu grossissant sa voix et roulant les R avec sa gidouille. Le carton pâte est devenu, par habitude, l’esthétique officielle et le public y est complaisamment infantilisé. Nous malmènerons cette imagerie. Dans notre spectacle, l’insolence passera par une remise en question des attentes du spectateur, par une mise en pièces de la tradition, des codes et des stéréotypes.

 

« Notre Ubu roi s’inscrit dans cette dynamique : libre, non linéaire, sarcastique et affranchi de toute révérence. »

 

Pourquoi avoir choisi de mettre en scène l’histoire d’une troupe jouant Ubu roi et se déchirant en la jouant ?

 

J. L. L. : Si l’on juge la pièce d’un point de vue strictement littéraire – ce que l’on aurait tort de faire -, Ubu roi est une œuvre bien pauvre. Peu d’esprit, peu de poésie, peu de philosophie… Mais on ne peut séparer la pièce de son histoire, celle d’un téméraire jeune homme de 23 ans qui a décidé d’opérer une rénovation du théâtre par le théâtre, dans les cris et les huées. Ubu roi est une œuvre de chaos où l’on passe son temps à se brutaliser et à se faire la guerre. Et dans l’Histoire du théâtre, c’est une formidable débâcle. Ainsi, il nous a semblé fondamental que la trame du spectacle suive celle de la pièce, que le destin des acteurs suive celui des personnages, que le spectacle se détruise dans le temps de la représentation. Le chaos sera grotesque et absurde.

 

Comment interpréter de tels personnages ?

J. L. L. : Je crois qu’il faut aborder tous les personnages d’un point de vue critique, en ayant bien à l’esprit qu’ils sont une attaque contre la mauvaise tradition, contre le théâtre sclérosé, les ramassis de tics, les situations usées et indigentes. Chaque rôle est à la fois un hommage et une moquerie.

 

Quel type de théâtralité voulez-vous faire naître avec cette pièce ? Et avec quels moyens ?

J. L. L. : Notre Ubu est d’abord un projet de jeu. Il y a un côté très enfantin dans le rapport des acteurs au plateau, une jubilation à se disputer, à détruire et à faire les idiots. Rappelons-nous que la pièce est une pochade de lycéens. Elle porte en elle toute la naïveté, la fougue et l’insolence de la jeunesse. Nous essaierons d’incarner cet esprit. En revanche, je crois qu’on ne peut pas être fidèle à l’esprit de Jarry sans être infidèle à sa lettre. Il n’y a pas de sacralisation du texte dans notre Ubu roi, où apparaissent  interpolations, citations et critiques. C’est une mise en crise obstinée de la représentation à laquelle nous avons affaire. Et dans cette entreprise de démolition, je crois que Jarry ne demande qu’à être brutalisé.

Propos recueillis par Agnès Santi

A propos de l'événement

Un appel à la liberté créatrice
du vendredi 14 novembre 2014 au samedi 29 novembre 2014
Théâtre de Châtillon
3 Rue Sadi Carnot, 92320 Châtillon, France

du lundi au samedi à 20h30, dimanche à 15h30, relâche les 16, 19 et 26. Tél : 01 55 48 06 90. Puis tournée.

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