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Trisha Brown : 50 ans de création

Trisha Brown : 50 ans de création - Critique sortie Danse Paris Chaillot - Théâtre national de la danse
Crédit : Chris Cally Trisha Brown dans « Set and Reset »

Trisha Brown

Publié le 21 février 2020 - N° 285

Chaillot – Théâtre national de la Danse organise un rendez-vous phare avec Trisha Brown en trois pièces et cinquante ans de danse ! Retour sur une carrière exceptionnelle.

Trisha Brown, figure incontournable du postmodernisme américain, est l’une des rares chorégraphes à ne jamais s’être figée dans un style, à développer un travail sans cesse renouvelé par des thèmes qui peuvent être le temps, la pesanteur ou l’accumulation gestuelle. Artiste en perpétuel mouvement, elle se lance dans des recherches sur la verticalité, travaille sur la gravité, avant de se jeter dans de nouveaux défis tels que le rapport aux partitions musicales classiques ou la transposition d’éléments du langage dans la danse. Sa gestuelle tout à fait particulière, qui oscille d’une fluidité séduisante et sensuelle à la mise en espace de formes complexes, lui permet d’affiner dans chaque œuvre produite la perception du mouvement dansé. Ce qui la caractérise est peut-être une dynamique qui ne ressemble à rien de connu. Ses danseurs semblent être des électrons libres dans un espace miroitant et instable, virtuoses de l’instant capturé.

Une artiste polymorphe

Née à Aberdeen dans l’état de Washington en 1936, Trisha Brown est d’abord un garçon manqué passionnée de sport, avant de se lancer dans la danse. Après des études au Mills College, elle s’initie à l’improvisation et à des travaux sur le son, le chant, l’expression verbale auprès d’Anna Halprin, puis fréquente le groupe expérimentateur new-yorkais du Judson Church Theater des années 1960 à l’origine de la post modern dance. Partant du rejet de la gestuelle de l’époque, elle élabore un nouveau langage chorégraphique qui fait appel à un mouvement très fluide, à une dynamique de la chute, tout en exigeant un haut niveau technique, et elle fonde sa compagnie en 1970. Trisha Brown attire l’attention par l’originalité de ses œuvres et sa recherche constante. En cinquante ans de danse, elle crée plus de cent chorégraphies, six opéras et expose ses dessins au fusain dans de nombreux musées et galeries en tant qu’artiste plasticienne.

Des espaces de temps pour explorer l’espace-temps

On peut distinguer plusieurs périodes du « mouvement brownien ». Les « equipment pieces » (1968-1971) où elle explore la gravité dans un environnement urbain arpentant les toits et les parois des buildings. Les « Accumulations » ((1975-1978) où elle développe des improvisations consistant à accumuler des mouvements et à les mémoriser, comme dans son exceptionnel solo Watermotor (1978). Mais à partir de Glacial Decoy (1979), pièce créée en collaboration avec le plasticien Robert Rauschenberg, à la gestuelle rapide, fringante, qui propulse les danseuses, à grande vitesse, d’un point à un autre de l’espace, elle intègre définitivement l’espace scénique traditionnel. Set and Reset (1983), pièce culte, annonce les « structures à instabilité moléculaires » avec ses longues phrases fluides à géométrie variable, pulvérisant les lignes pour créer une sorte d’utopie poétique où la fluctuance domine. Dans le cycle suivant, dit « Vaillant » elle pousse ses danseurs jusqu’à leurs limites physiques et athlétiques, comme dans Newark. Une autre Trisha Brown se dessine alors. Son travail devient accessible à un plus large public, une jubilation communicative l’imprègne, conférant à la danse un caractère irréel, lointain, onirique qui annonce  le « Retour à zéro » (1990-1994) dont l’une des pièces majeures est certainement Foray Forêt, dernière pièce créée avec Rauschenberg et ses costumes miroitants et dorés.

Retour au calme

La dernière période sera celle du retour à la musique, du merveilleux M.O. sur l’Offrande musicale de Bach, à John Cage pour PRESENT TENSE (2003), une pièce aux portés aériens, et bien sûr, Groove and Countermove, sur la partition jazz de Dave Douglas (2000) où éclate décidément le constat que la danse abstraite de Trisha n’est pas dénuée d’émotion. Les années 2000 exploiteront cette veine musicale, dans la chorégraphie comme dans la mise en scène d’opéra, notamment de Monteverdi, Rameau et Salvatore Sciarrino. I’m going to toss my arms : if you catch them they’re yours (2011) dont le titre est tiré d’une consigne lancée en répétition, sera sa dernière pièce avec son seul duo masculin intiulé Rogues (2011). La danse de Trisha apparaît comme une structure malléable qui prend forme sous nos yeux, ressemblant parfois à des revirements d’oiseaux en plein vol, mais aussi à une chorégraphie mue par un principe d’incertitude, laissant finalement apparaître, dans ces fausses transitions, un invisible de la danse, qui en est pourtant toute l’essence.

Agnès Izrine

A propos de l'événement

Trisha Brown : 50 ans de création
du mercredi 25 mars 2020 au samedi 28 mars 2020
Chaillot - Théâtre national de la danse
1 place du Trocadéro, 75016 Paris

Mer. 25 et ven. 27 à 20h30, jeu. 26 et sam. 28 à 19h45. Tél : 01 53 65 30 00.

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