La Terrasse

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Danse - Critique

« Tordre », œuvre manifeste de Rachid Ouramdane qui tord le cou aux idées reçues sur la danse

« Tordre », œuvre manifeste de Rachid Ouramdane qui tord le cou aux idées reçues sur la danse - Critique sortie Danse Paris Chaillot Théâtre national de la Danse / CND
Crédit : Patrick Imbert Lora Juodkaite et Annie Hanauer dans Tordre de Rachid Ouramdane

Chaillot Théâtre national de la Danse / Chor. Rachid Ouramdane

Publié le 25 octobre 2025 - N° 337

Deux corps singuliers, deux écritures du mouvement poussées à l’extrême : Tordre, œuvre manifeste de Rachid Ouramdane, tord le cou aux idées reçues sur la danse.

Avec Tordre, Rachid Ouramdane réunit deux danseuses aux trajectoires singulières : Lora Juodkaite et Annie Hanauer. Chacune développe une danse poussée à l’extrême, qui interroge notre perception du corps et ses limites. Juodkaite tourne sur elle-même à une vitesse vertigineuse, comme si ce mouvement était vital. Ce tournoiement, qu’elle pratique depuis l’enfance, devient une manière de se relier au monde. Elle le répète plusieurs fois dans la pièce, jusqu’à transformer sa silhouette en halo mouvant, presque irréel. Elle interrompt ce geste à volonté, comme si elle passait d’un état à un autre, sans transition. Ce n’est ni une transe ni un rituel : c’est une manière singulière d’habiter le monde. Elle en parle elle-même, tout en dansant, dans un texte dont la clarté sonore trouble la perception. Ce geste si simple, devient inquiétant par son intensité. Il ouvre une brèche dans notre regard, une zone de vertige où le corps semble frôler l’indicible. C’est là que Tordre nous saisit : dans cette faille, ce déplacement, cette force qui dérange sans jamais céder au spectaculaire.

Fil à retordre

Face à elle, Annie Hanauer danse avec une prothèse visible, qu’elle intègre avec une précision remarquable. Sa gestuelle fluide, ses appuis solides, son bras artificiel devenu outil de composition, tout dans sa danse affirme une autre manière d’habiter le corps. Si les deux artistes développent des présences très distinctes, la pièce joue sur cette tension sans chercher à les fondre. Leurs trajectoires parallèles, parfois dissonantes, dessinent un paysage chorégraphique fragmenté, où chaque geste affirme sa propre nécessité. Et pourtant, c’est dans ce déséquilibre que Tordre trouve sa tension. Le corps y devient terrain de trouble, de réinvention. Le bras — qu’il soit tournoyant ou prothétique — devient le fil conducteur d’une réflexion sur l’identité, la représentation, la mémoire. Ouramdane ne cherche pas à lisser les différences, mais à les exposer, à les faire dialoguer. Ce duo, plus côte-à-côte que fusionnel, nous oblige à revoir nos repères. Et c’est peut-être là que la danse prend tout son sens.

Agnès Izrine

A propos de l'événement

Tordre
du mercredi 26 novembre 2025 au samedi 29 novembre 2025
Chaillot Théâtre national de la Danse / CND
1, place du Trocadéro, 75116 Paris

Du mercredi au vendredi à 19h30, samedi 29 à 17h.

Tél. : 01 53 65 30 00.

Durée : 1h.

Spectacle vu en décembre 2020, Théâtre de la Cité Internationale.

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