Enfantillages
Pour la troisième fois en 15 ans, la [...]
Avignon / 2013 - Entretien Julien Gosselin
Les jeunes créateurs de Si vous pouviez lécher mon cœur présentent leur troisième spectacle, adapté des Particules élémentaires, de Michel Houellebecq, et mis en scène par Julien Gosselin.
Comment en êtes-vous venu à adapter ce roman ?
Julien Gosselin : La continuité s’est faite sur la forme des textes. Notre premier spectacle, Gênes 01, était un long poème politique post-dramatique, sans personnage. Le deuxième, Tristesse animal noir, retrouvait une manière plus classique du théâtre, mais interrogeait toujours l’aller-retour entre les formes. Après ces deux spectacles, que faire ensuite et quel matériau choisir ? De manière évidente, nous avons choisi d’adapter un roman et de créer, à l’intérieur, notre propre forme théâtrale. Et j’avais envie de travailler Houellebecq depuis longtemps, car il est mon écrivain préféré. Les Particules élémentaires est son roman central. Il parle vraiment du monde d’aujourd’hui, en usant d’une métaphore contemporaine et actuelle. J’ai toujours du mal à comprendre pourquoi le théâtre s’obstine à aller chercher du lointain pour parler du contemporain. De plus, la question de la multiplicité des formes est présente à l’intérieur du roman. L’adapter permet que le spectacle alterne entre dialogues de théâtre, discours scientifiques, politiques et moments poétiques : c’est ce qui marque la continuité formelle de notre travail.
Peu de metteurs en scène abordent l’œuvre de Houellebecq en France. Pourquoi ?
J. G. : L’aspect artistique est lié à l’aspect politique. Entendre cette langue-là sur un plateau a quelque chose d’extrêmement réjouissant et rafraîchissant, mais les thèmes abordés (le clonage, le racisme, la misère sexuelle, la disparition de l’amour) demeurent politiquement incorrects. Houellebecq a été adapté à l’étranger, mais en France, on y rechigne davantage, d’abord à cause du fond, ensuite parce que le théâtre français a peu de goût pour l’adaptation scénique des romans. Cette question, qui est complètement anecdotique ailleurs, où l’on n’hésite pas à lier la métaphore et la littérature, demeure peu abordée en France, ce qui a tendance à enclaver le théâtre dans une sorte d’art vieillissant.
Comment avez-vous adapté le roman à la scène ?
J. G. : En étant très fidèle au livre, tout en enlevant des pans entiers de l’histoire. J’ai ainsi choisi de sacrifier les personnages de l’ex-femme et de l’enfant de Bruno, un des protagonistes. Nous avons respecté le plus possible la forme de l’écriture. Le spectacle commence par une heure de théâtre à la forme classique, où les trois personnages principaux font le récit de leur enfance. Suivent les scènes d’amour, retranscrites en dialogues, où apparaît clairement que Houellebecq est sentimental, lyrique et romantique. Ensuite, dans le texte, l’écriture est mise en abyme puisque le roman est écrit par les néohumains de la post-humanité. Nous essayons de mettre ça en jeu : la pièce est jouée par des néohumains, qui montrent qui étaient les hommes. Historiquement, cela correspond à trois parties : 1968, la fin des années 90 et les années 2000, et la science-fiction du post-clonage.
Propos recueillis par Catherine Robert
Pour la troisième fois en 15 ans, la [...]