Bounce !
La compagnie Arcosm présente sa création [...]
Aux Gémeaux, Kader Attou poursuit avec le succès de The Roots, sa dernière création. Le point sur sa démarche de chorégraphe aujourd’hui.
Peut-on lire The Roots comme un compromis entre Petites Histoires.com et Symfonia piesni zalosnich, vos deux précédentes pièces ?
Kader Attou : Pourquoi pas ! Je crois qu’il y a une continuité dans mon travail, même si aujourd’hui je ressens une forme de maturité. The Roots est aussi une sorte de rétrospective de mes vingt ans dans le hip hop, passés sur scène : j’y raconte un morceau de moi, mais aussi quelque chose à propos de mes danseurs. Je fais équipe avec onze danseurs d’une grande générosité, d’une excellence technique magnifique, mais je parle de ce qu’ils sont eux-mêmes. J’ai construit ce spectacle en me demandant : qu’est-ce que la danse hip hop, après trente ans d’existence ? C’est vrai que le terme hip hop est employé partout, jusque dans les clubs de remise en forme. Est-ce une danse de la performance, une danse d’auteur ? Je me suis lancé dans un travail où je ne raconte pas l’histoire de la danse hip hop, mais un état des corps de cette danse aujourd’hui.
La réponse, dans ce spectacle, donne une danse plurielle…
K. A. : Elle a toujours été plurielle. Lorsque l’on prend sa définition même, c’est pour moi clairement une danse de l’appropriation. Elle n’est pas venue de nulle part, ou du néant, elle a une histoire forte, sociale car née d’un mouvement contestataire dans le Bronx. Elle s’est construite avec des codes et les a elle-même modifiés pour en créer d’autres. Elle est donc plurielle et inventive. Quand elle est arrivée en France, elle a rencontré quelque chose qui n’existait pas ailleurs : l’exception culturelle. On a bénéficié d’un héritage, d’une histoire liée à la danse classique et contemporaine. Cela a été pour moi une immense découverte. On s’est nourri de ça. On a grandi avec ça. Et on a essayé d’inventer une danse singulière, et au-delà de ça, une signature.
Que pensez-vous du terme « ballet » qui peut-être accolé au terme hip hop ? Ici, par exemple, vous travaillez avec un nombre important de danseurs, et parfois des grands mouvements d’ensemble…
K. A. : Ce terme ne me dérange pas, mais je dirais que je travaille plus sur l’idée de masse que sur la notion de ballet. Je n’ai pas les codes du ballet, je n’ai jamais eu de danseurs permanents, et pour moi le ballet évoque davantage les grandes œuvres comme Cendrillon, Roméo et Juliette…
Cette idée de masse rejoint-elle l’idée de communauté ?
K. A. : Tout à fait. Je suis à la recherche de ce que j’appelle une humanité dansante, et je poursuis dans cette voie pour la prochaine création, où les danseurs seront au nombre de seize. Je m’intéresse vraiment depuis quelque temps à la notion du corps et de la danse, chose qui n’était pas centrale dans mon travail avant. Je m’attachais davantage à un thème, à un propos, j’essayais d’écrire pour que la danse puisse servir le propos. Je crois qu’aujourd’hui je suis dans une démarche inverse, dans l’envie d’explorer davantage la poétique des corps, le sentiment des corps, l’humanité dansante, ce que sont les gens finalement. On va pouvoir explorer toutes les émotions des corps, de l’ordre du sensible, de l’insensible, du rejet, de l’abandon, du plaisir…
Propos recueillis par Nathalie Yokel
Les 29 et 30 avril 2014 à 20h45. Tel : 01 46 61 36 67.