La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Sylvie Mongin-Algan

Sylvie Mongin-Algan - Critique sortie Théâtre
Crédit visuel : Suzanne Guillemin photo : Sylvie Mongin-Algan

Publié le 10 février 2008

Un voyage en soi, en passant par Tchekhov

Fondée en 1992, la compagnie Les Trois-Huit a été missionnée, en 2003, pour diriger le Nouveau Théâtre du 8e à Lyon. Après un chemin de création de près de dix-huit mois, ce collectif d’artistes présente une adaptation de La Cerisaie mise en scène par Sylvie Mongin-Algan.

Sur quel parti pris s’est fondée votre appropriation de la pièce de Tchekhov ?

Sylvie Mongin-Algan
: Notre projet revient à envisager comment un groupe d’artistes peut s’emparer de La Cerisaie pour creuser, à partir d’elle, les questionnements que nous portons en nous par rapport à l’enfance, à l’argent, à la notion de départ… Notre chantier de travail a commencé par l’écriture de bribes de textes à travers lesquels chacun d’entre nous est parti sur son propre chemin. De là, nous nous sommes dirigés vers d’autres écritures qui prenaient racines dans ces thématiques-là. Notre Cerisaie est donc comme un parcours sensible effectué grâce à Tchekhov, un parcours qui raconte l’histoire de La Cerisaie avec les mots de la pièce, mais pas avec tous ses mots, et pas seulement avec eux.
 
Ce parcours a pour vocation d’inclure les spectateurs dans la représentation…

S. M-A.
: Oui, mais vraiment sans démagogie. L’idée est que notre Cerisaie devienne également leur Cerisaie. C’est un voyage, une rêverie que l’on propose aux spectateurs, une promenade dans une installation, au sens plasticien du terme, installation qui se transforme en décor pour donner naissance à une représentation de théâtre alors envisagée à travers un rapport frontal. Puis, arrive la soirée précédant la fermeture définitive du domaine. A ce moment-là, l’espace scénique se disloque pour associer le public à cet événement. D’une certaine façon, la Cerisaie coule, elle prend l’eau de toute part. Mais on vit cette disparition comme une fête. On fait venir un petit orchestre juif, on danse… Le théâtre se métamorphose alors pour transformer le spectateur en véritable acteur. Tout se termine par une mise en partage très joyeuse de la représentation.
 
« C’est un voyage, une rêverie que l’on propose aux spectateurs. »
 
Pour vous, La Cerisaie ne conduit donc pas à une forme de tristesse, de nostalgie…

S. M-A.
: Non, car je crois qu’il faut savoir partir. C’est finalement une bonne chose de liquider le passé, même si c’est douloureux. Tout ce que l’on perd fait ensuite partie de ce qui nous constitue. Il y a une forme de beauté dans cet abandon, cette acceptation de la fin, de la dépossession, une beauté qui me fait penser à la noblesse d’une ville engloutie.
 
Quels sont les auteurs dont les textes se mêlent à celui de Tchekhov ?

S. M-A.
: Maeterlinck, Claudel, Brecht, Shakespeare… Mais il ne s’agit pas du tout d’une excursion à travers des références littéraires. Notre Cerisaie ne révèle que des résonances, des formes de vibrations, de même que n’apparaissent que des résidus des histoires personnelles que nous avons livrées lors de la phase initiale d’écriture. Si le spectacle est réussi, tout cela doit former un corps de réminiscences qui vient s’adjoindre à l’histoire de La Cerisaie. Un peu comme dans un songe…
 
En quoi ce projet s’inscrit-il dans la ligne artistique des Trois-Huit ?

S. M-A.
: Nous avons voulu, à partir du texte de Tchekhov, renouveler notre propre chemin. Cela en luttant contre ce qu’il y a de mythique dans La Cerisaie, afin que comme nous, chaque spectateur puisse vivre une expérience vraiment personnelle, une expérience qui soit de l’ordre du cheminement en soi. Le sens de notre collectif est de faire se rejoindre et s’imbriquer, à travers des périodes de travail assez longues, notre existence et nos activités artistiques. Il s’agit autant d’un projet de vie que d’un projet de théâtre. Et par ce biais, nous essayons de passionner bien sûr les connaisseurs, mais aussi tous les autres. C’est le pari que nous nous lançons : associer toujours plus de nouveaux spectateurs à des aventures théâtrales exigeantes.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat


Notre Cerisaie, d’après Anton Tchekhov ; mise en scène de Sylvie Mongin-Algan. Du 1er au 15 février 2008. Du mardi au vendredi à 20h00, les samedis et les dimanches à 17h00, relâches les lundis, le mardi 5 et le dimanche 10 février. NTH8 / Nouveau Théâtre du 8e, 22, rue du Cdt-Pégout, 69008 Lyon. Réservations et renseignements au 04 78 78 33 30.

A propos de l'événement


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