La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien /Festival d'Avignon 2021

Sonoma, chorégraphie de Marcos Mauro, Compagnie La Veronal

Sonoma, chorégraphie de Marcos Mauro, Compagnie La Veronal - Critique sortie Danse Avignon Festival d’Avignon. Cour d’honneur du Palais des papes
© De-Da Productions - Denislav Kanev Marcos Mauro

Cour d’honneur du Palais des papes / Chor. Marcos Mauro / Compagnie La Veronal

Publié le 5 mai 2021 - N° 290

Avec une création qui parle de nos peurs et rend hommage à Luis Buñuel et au surréalisme en le transposant dans notre actualité, Marcos Mauro entre pour la première fois dans la Cour d’honneur.

Sonoma vient d’un néologisme forgé à partir du grec soma (corps) et du latin sonum (son). Ce son du corps, cette peur primitive ont-ils un rapport avec la pandémie ?

Marcos Mauro : Sonoma a été créé en partie pendant la pandémie. Par conséquent, le propos, qui transcrit en quelque sorte le cri primitif du corps, de l’humanité à la limite de son existence, en a été amplifié. Ma précédente pièce, Pasionaria, évoquait un futur conçu comme une société de robots, d’automates dans un monde aride. Je voulais imaginer le passé de ce futur-là. Quelle pouvait être l’origine d’un tel résultat ? Comment en étions-nous arrivés là ? Donc j’ai déplacé ma focale… en chaussant les lunettes de Buñuel.

Qu’est-ce qui vous fascine dans l’univers de Luis Buñuel, dans le surréalisme ?

M.M. : Nous venons de petites régions d’Espagne, Buñuel d’Aragon, et moi de Valencia. Nous avons tous deux reçu une éducation catholique, nous sommes partis de villages pour découvrir le monde, sans pour autant rejeter le passé. La tradition, le folklore, la religion, l’histoire, c’est mon héritage. Buñuel mélange sa liberté et tous les éléments dont il a hérité. Il intègre aussi à son univers artistique la bourgeoisie, parce qu’il vient d’une famille aisée, et la pauvreté, car il est sensible à l’injustice. C’est très complexe et très surprenant car le surréalisme est basé sur l’irrationnel. Pour lui, il s’agit de se sentir libre de se déconnecter de la pensée logique.

« S’il y avait une révolution aujourd’hui, les femmes en seraient le moteur. »

Vous incorporez dans Sonoma des tambours de Calanda, la ville natale de Buñuel, qui figurent dans plusieurs de ses films. Que représente cette tradition pour vous ?

M.M. : L’origine de ces tambours vient de la tradition aragonaise du Vendredi saint. À la mort du Christ, la terre et le ciel s’ouvrent, provoquant un cataclysme. Et les tambours, c’est ça, c’est le son de la mort de Dieu. Ils résonnent pendant vingt-quatre heures. La plupart des traditions, coutumes et légendes sont reliées en Espagne au christianisme. Dans cette pièce, c’est un mélange entre le catholicisme et le paganisme qui s’exprime, en une sorte de catharsis collective.

Pourquoi n’y a-t-il que des femmes dans Sonoma ?

M.M. : Voilà longtemps que je voulais faire une pièce entièrement féminine, car s’il y avait une révolution aujourd’hui, les femmes en seraient le moteur. Je souhaitais également retrouver certaines de mes danseuses qui sont devenues mères et les ramener sur scène. Elles reviennent donc, plus fortes que jamais, et ensemble, ces femmes de 29 à 43 ans représentent pour moi l’essence de La Veronal.

Comment vivez-vous cette programmation dans la Cour d’honneur du Festival d’Avignon ?

M.M. : Je suis très heureux que la première de Sonoma ait lieu au Festival d’Avignon. Nous sommes la première compagnie catalane à nous trouver dans ce lieu merveilleux, c’est une distinction, une responsabilité. Nous avons beaucoup travaillé, gagné de nombreux prix, mais la situation n’est pas facile, nous ne recevons pratiquement aucune subvention de l’État. Se retrouver dans la Cour d’honneur, c’est un beau cadeau de la France, qui m’a toujours beaucoup soutenu, grâce à ses institutions pour la danse.

Propos recueillis par Agnès Izrine

A propos de l'événement

Sonoma, chorégraphie de Marcos Mauro, Compagnie La Veronal
du mercredi 21 juillet 2021 au dimanche 25 juillet 2021
Festival d’Avignon. Cour d’honneur du Palais des papes
Place du Palais, 84000 Avignon

à 22h, relâche le 23. Tél : 04 90 14 14 14. Durée : 1h15.

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