« Somnole », un solo singulier et touchant de Boris Charmatz
Le CENTQUATRE-PARIS / Chorégraphie et interprétation Boris Charmatz
Publié le 22 janvier 2024 - N° 318Adepte de grandes formes intégrant volontiers des amateurs, Boris Charmatz a créé lors du Festival NEXT 2021 Somnole, un solo singulier et touchant, où ensemble son corps danse et sa bouche siffle. Une partition impressionnante de maîtrise et de subtilité.
Pourquoi ce titre de Somnole, qui semble a priori indiquer un état de torpeur ? Boris Charmatz l’explique : « Ce que j’aime avec l’idée de somnolence, c’est le spectacle mental qu’elle recèle. Bouger peu, mais tout en bougeant follement dans sa tête. » Et en effet, Somnole reflète remarquablement cette agitation intérieure qui s’invite entre veille et sommeil, d’autant plus intense et aiguisée que le solo a été conçu dans la solitude du confinement de 2020. Ce tumulte paradoxal, tout en sensations contrastées, révèle de manière aiguë les contraintes liées à l’isolement autant que les désirs d’aller vers l’autre, vers les possibles qu’offre l’ailleurs. Pour l’artiste, singulièrement, le désir s’impose de retrouver la scène, le regard des spectateurs, le partage avec le public. Les bras tendus vers le ciel, torse nu, ceint d’une jupe qui pourrait évoquer la sincérité de l’enfance, Boris Charmatz s’avance lentement, pieds nus, de dos. Il bouge d’abord de manière assez neutre, avant d’enclencher la rêverie, dont l’amplitude et les impacts vont crescendo au fil de la représentation. Il offre ainsi une danse de somnambule, non linéaire, profonde et intime. Une danse très particulière, reliée au sifflement qu’il émet en direct : cette production simultanée du son et du geste relève de la performance.
Rêverie intérieure et attention à l’altérité
Depuis l’enfance, Boris Charmatz sait siffler. Il rêvait même alors de composer pour un orchestre de siffleurs. Aujourd’hui, c’est une partition éminemment personnelle qu’il fabrique. Organiquement dépendante du souffle et des mélodies, la danse s’élève dans le même temps que le son, dans un équilibre ténu et fragile qui nécessite une extrême concentration. De Bach à Haendel, d’Ennio Morricone à Barbara, les ritournelles dessinent une mémoire plus ou moins nette constituant un imaginaire collectif. Alanguie ou frénétique, repliée ou déployée, tendre ou rageuse, la danse traverse toutes sortes d’états. Les mélodies n’écrasent en rien la danse, qui libère toute sa puissance expressive et intuitive. Tissé dans une forme retenue et maîtrisée, tricotant de subtiles transitions, le lien noué entre danse et musique impressionne. Somnolent certes, mais ô combien attentif…
Agnès Santi
A propos de l'événement
Somnoledu jeudi 8 février 2024 au samedi 10 février 2024
Le CENTQUATRE-PARIS
5 rue Curial, 75019 Paris
Les 8 et 9 février 2024 à 20h, le 10 à 16h.
Tél. : 01 53 35 50 00. Dans le cadre du Festival Les Singulier·es. Spectacle vu dans le cadre du Festival NEXT 2021 à l’Espace Pasolini à Valenciennes. Durée : 1h.