La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Six personnages en quête d’auteur

Six personnages en quête d’auteur - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre national de la Colline
© Christophe Raynaud de Lage Des personnages en quête de théâtre : comment être un acteur ?

Publié le 5 septembre 2012 - N° 201

Stéphane Braunschweig met en scène la pièce emblématique de Pirandello et l’adapte aux problématiques du théâtre contemporain, s’efforçant de faire représentation de la confrontation entre une troupe d’aujourd’hui et les personnages pirandelliens.

En 1927, quelques années après avoir écrit Six personnages en quête d’auteur, Pirandello répond non sans humour à son traducteur français Benjamin Crémieux,  qui lui demande quelques notes biographiques : « j’ai oublié de vivre, oublié au point de ne pouvoir rien dire, mais exactement rien, sur ma vie, si ce n’est peut-être que je ne la vis pas, mais que je l’écris. » Voilà qui donne son importance à la fiction…  La pièce emblématique de l’auteur sicilien dévoile les coulisses du processus de fabrication d’une pièce, et confronte une troupe de théâtre et des personnages déjà autonomes, déconnectés de leur auteur et en quête d’incarnation. Ces personnages porteurs d’un drame familial douloureux font irruption pour faire valoir leur histoire et pour exister par le jeu. Pirandello aussi remet en cause le théâtre bourgeois de l’époque. Stéphane Braunschweig adapte avec une pointe de dérision et d’ironie la pièce aux problématiques du théâtre d’aujourd’hui, qui reflètent d’ailleurs des problématiques sociales plus larges : il interroge la notion de personnage, d’auteur, de matériau théâtral, les rapports flous et brouillés entre fiction et réalité, la complexité et la multiplicité des identités… 

Acteurs en crise et personnages en manque

Il a réécrit le prologue, où un metteur en scène  et  quatre acteurs d’aujourd’hui plutôt peu convaincus par la pièce qu’ils répètent dialoguent sur le théâtre et font part de leurs questionnements. Le résultat est piquant et plaisant. Il a réécrit aussi les parties où les personnages discutent de théâtre avec les acteurs, mais n’a pas modifié te texte concernant le rapport des personnages à leur drame. L’agencement de la scène même, très clairement dessiné par le metteur en scène et scénographe – voire même trop clairement, ce qui confère un côté statique à la mise en scène -, et l’utilisation de la vidéo font écho à la confrontation tantôt palpitante tantôt figée entre acteurs en crise et personnages en manque, et aussi aux préoccupations de ces acteurs, qui interrogent le rapport entre l’art et la vie, l’illusion et le réel… Stéphane Braunschweig évoque internet qui consacre auteur n’importe quel contributeur, la télé-réalité qui fait théâtre d’un déballage de vie privée, les réseaux sociaux qui exposent des pans d’intimité aux yeux de tous ou presque. Prisonnier peut-être du désir de vouloir tout évoquer de notre modernité au théâtre, le metteur en scène octroie trop de pouvoir aux mots, ce qui donne l’impression que le commentaire prime par rapport aux autres aspects de la représentation, jusqu’à l’emprisonner. En outre, les ressassements des acteurs n’ont pas la portée « révolutionnaire » qu’avait le texte de Pirandello à l’époque, mais se cantonnent plutôt à une suite d’explications et d’états d’âme qui peuvent être intéressants mais demeurent trop démonstratifs, plus inscrits dans une forme de discours que de jeu théâtral, malgré les effets de mise en abyme parfois saisissants. Ainsi on est à l’écoute, mais on est loin d’être captivés. Comme si la page blanche du plateau de théâtre devait encore trouver son écriture, et sa mise en jeu.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Six personnages en quête d’auteur
du mercredi 5 septembre 2012 au dimanche 7 octobre 2012
Théâtre national de la Colline
15, rue Malte-Brun, 75020 Paris

D’après Luigi Pirandello / adaptation et mes Stéphane Braunschweig
à 20h30 sauf mardi à 19h30, dimanche à 15h30, relâche le lundi. Tél : 01 44 62 52 52. Durée : 2h. Spectacle vu au Festival d’Avignon 2012.
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