La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon - Critique

Selma & Sofiane Ouissi au plus proche du geste artisanal dans « Laaroussa Quartet » : la beauté du geste au risque de l’épuisement.

Selma & Sofiane Ouissi au plus proche du geste artisanal dans « Laaroussa Quartet » : la beauté du geste au risque de l’épuisement. - Critique sortie Avignon / 2025 Avignon Festival d’Avignon. La Fabrica

Festival d’Avignon / La Fabrica
Chorégraphie Selma et Sofiane Ouissi

Publié le 10 juillet 2025 - N° 334

Une plongée au cœur de l’art des femmes céramistes de Sejnane : c’est ce que nous propose le tandem de chorégraphes tunisiens, mêlant les arts à la rencontre d’une écriture partitionnelle.

Pour cette création au Festival d’Avignon, Selma et Sofiane Ouissi présentent un quartet, mais qui réunit finalement six femmes au plateau entre danse, film, poésie, musique et chant. Un quartet qui d’ailleurs était au départ un duo dansé par les chorégraphes, et même, bien avant, un film documentaire ! Autant dire que la question du processus et de la transformation est au cœur de ce travail, né de leur rencontre avec les potières de Sejnane, au sud de la Tunisie. Fidèlement et méticuleusement, Selma et Sofiane Ouissi ont récolté leurs gestes pour les transcrire dans un système de notation de leur invention, dont les partitions sont au cœur de l’aspect chorégraphique de Laaroussa Quartet. D’abord assises, les quatre danseuses déploient leurs gestes en position de déchiffrage des partitions dans une extrême précision des mains, dans la rigueur du positionnement de chaque doigt, dans un contrôle parfait du placement, mais aussi du rythme. La danse naît incontestablement de cet état de corps malgré l’absence de la matière originelle, dans des jeux de duos, de décalages et de répétitions, jusqu’à la position debout.

A la recherche de la substance

Le projet souligne la beauté de ce geste artisanal, en décortique les cheminements, et ajuste la focale sur des détails passionnants du seul point de vue de l’analyse du mouvement. On y frappe, on y tapote, on y presse, on y chasse, on y pince, on y glisse… Au fur et à mesure du spectacle, un glissement s’installe : que nous raconte cette mécanique de gestes à vide, défaits de leur substance – l’argile ? Oui, on peut coucher des gestes sur une partition, les conserver… mais les consumer ? Finalement, on s’aperçoit d’un manque, dans ce processus qui s’épuise – par sa virtuosité, sa rectitude, sa célérité, sa dynamique – à brasser de l’air : le toucher, au sens propre comme au figuré. Hormis la belle séquence où les dos se dévoilent et où s’affirme le travail de la chair, on s’attache davantage aux émotions permises par les autres aspects du spectacle, à l’instar du chant ou de certaines images. Comme ces femmes qui se massent mutuellement le visage, et qui elles, nous touchent.

Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Festival d’Avignon. La Fabrica


Tournée :

Du 16 au 19 octobre : Festival Dream City, Tunis (Tunisie).

Les 28 et 29 janvier : Festival Charleroi Danse (Belgique).

 

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