Ensemble au Festival d’Avignon, rencontre avec Tiago Rodrigues
Metteur en scène et directeur du Festival [...]
Sarah Pèpe et son équipe artistique de la Compagnie Vent Debout nous convient à écouter les aventures de Mme Gluck, une femme pétillante qui vit au milieu « des poubelles devenues des espaces de lutte et de joie ». Entre éloge de la désobéissance civile et symptôme d’une époque au bord du gouffre, Croî(t)re ? La fulgurante chute de Mme Gluck et son irrésistible ascension est une pièce aux accents de liberté.
« Ah mais vous êtes déjà là ? » s’interloque Mme Gluck, à peine extirpée de son cocon. Tout droit sortie d’une benne à ordure stylisée, Aline Gluck prévient qu’elle a besoin d’un café bien serré avant de pouvoir parler. Le suspense est intenable. Entre chaque lampée, on se demande ce qu’elle va bien pouvoir nous raconter, cette pou-belle au bois dormant vêtue de blanc. Juchée sur sa benne comme sur un théâtre de tréteaux, Mme Gluck se remémore le passé et surtout, comme elle en est arrivée là. Du désir de changer d’étiquette, de passer de la classe laborieuse à la classe acheteuse, jusqu’à sa descente aux enfers, assaillie par les crédits et la culpabilité, Sarah Pèpe fait vivre avec brio ce personnage drôle et attachant. À travers un récit intimiste, la metteuse en scène, autrice et interprète charrie de nombreux sujets d’actualité : la dette, le réchauffement climatique, la gestion des déchets. Sous nos yeux ébahis, elle se métamorphose en patronne assommante, banquier inquiétant aux airs de lutin de Gringotts ou sa propre fille, exigeante, vampirique. Une valse de personnages exécutée avec talent et justesse, du rire à l’attendrissement.
Faire théâtre de tout bois
Malgré le sérieux du sujet, et son étouffante réalité, la mise en scène de Sarah Pèpe émerveille. Soigneusement accompagnée par Dimitri Amsellem et Isaline Lepère, ses scénographes, elle crée un univers loin des stéréotypes de la pauvreté. La benne à ordure se fait bicoque voguant sur les intempéries brutales. Il suffit d’une toile tendue pour lui conférer la poésie d’un bateau de papier. Les ressorts du théâtre jouent à plein, dans un amusement rafraîchissant et bienvenu. L’artisanat et le recyclage sont au cœur de cette mise en scène où la costumière Fantine Foix réalise une robe en sac plastique, digne des plus grands couturiers ou des plus jolies poupées Barbie. Pour venir compléter la panoplie d’une incarnation sans faille, Morgane Klein fabrique un univers sonore en patchwork qui fonctionne à merveille. Aux détours d’une publicité ironique ou d’un bruitage hilarant, Sarah Pèpe nous fait goûter à la magie du langage. Vous savez, celui qui s’amenuise et se ratatine quand les politiques assènent leurs discours classistes. Mais surtout, pas de pessimisme plombant. On plonge avec Mme Gluck et pourtant on finit par remonter à la surface. Croî(t)re, c’est comme le précieux petit coup de talon qui fait qu’on sort la tête de l’eau et qu’on respire à grands bols d’air.
Amandine Cabon
à 14h15. Relâche les mercredis. Durée : 1h. Tél. : 04 90 33 89 89.
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