La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Sandre

Sandre - Critique sortie Théâtre Paris La Maison des Métallos
Avignon 2017

Maison des Métallos/ DE SOLENN DENIS / MES COLLECTIF DENISYAK

Publié le 19 février 2018 - N° 263

L’amour, chez le collectif Denisyak, a souvent partie liée au fait divers. Créée en 2014 au Glob Théâtre à Bordeaux et repris cet été à la Manufacture, Sandre est le monologue puissant d’une femme délaissée. D’une mère infanticide.

« On tient un homme par le ventre. Si tu fais à manger, il pourra toujours aller voir ailleurs, il reviendra ». Sa mère le lui avait dit, et elle l’avait cru. Longtemps. Ou plutôt, elle s’était accrochée à cette pensée comme un noyé à une bouée. Perdue. Son veau aux olives, son gigot de sept heures et ses tartes tatin n’y ont rien changé : amoureux de sa secrétaire, son mari l’a délaissée. Une histoire banale a priori. Un drame sans trop d’éclat. Mais le collectif Denisyak, fondé en 2010 par Solenn Denis et Erwan Daouphars, ne s’arrête pas là. Tout comme SStockholm, leur pièce précédente inspirée de la séquestration de l’Autrichienne Natasha Kampusch, Sandre est le récit d’un amour qui tourne mal. Pas d’enfermement cette fois, mais un infanticide. Un néonaticide précisément, évoqué à travers un monologue complexe où la douleur ne se dit qu’à demi-mot. Sans jugement. Pour l’auteure en effet, « il ne s’agit pas de dédouaner, nullement d’ôter la responsabilité à ces femmes meurtrières, simplement de se donner la permission de pouvoir réfléchir à tout cela ».

Une Médée d’aujourd’hui

Assise une heure durant sur un fauteuil sans âge, près d’un lampadaire anachronique, la Médée sans nom de Solenn Denis n’a pas le visage attendu. Elle est incarnée par un homme. « Un être humain qui jamais ne portera dans son ventre un enfant pour permettre d’entrer dans l’intime tout en sortant de l’affect ». Tout en sobriété, Erwan Daouphars excelle dans le rôle. Preuve de sa complicité avec l’auteure avec qui il signe la mise en scène, il joue le féminin sans mimétisme. En s’en remettant entièrement aux mots. Seuls quelques gestes simples servent de balise aux pensées labyrinthiques de son personnage. On passe ainsi sans transition d’une anecdote joyeuse à un souvenir douloureux. D’un premier rendez-vous avec rouge à lèvres et boucles d’oreilles en plumes de paon à l’acte fatal, en passant par toutes sortes de violences quotidiennes. Sandre pourtant n’explique pas davantage qu’il n’excuse. Il pose seulement des mots sur un silence. Des expressions belles et fragiles. Provisoires.

 

Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Sandre
du mardi 27 mars 2018 au dimanche 8 avril 2018
La Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris

mardi, mercredi, vendredi à 20h, jeudi, samedi à 19h, dimanche à 16h. Tél : 01 47 00 25 20. Durée : 1h. A partir de 14 ans.

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