La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Critique

S 62° 58’, W 60° 39’, chorégraphie Peeping Tom, une mise en abyme océanique

S 62° 58’, W 60° 39’, chorégraphie Peeping Tom, une mise en abyme océanique - Critique sortie Danse Créteil Mac Créteil Maison des Arts
Crédit : Samuel Aranda S 62° 58’, W 60° 39’ de Peeping Tom

Maison des Arts Créteil / Opéra de Dijon / Pavillon Noir / Chor. Peeping Tom

Publié le 26 mars 2024 - N° 320

La dernière production de Peeping Tom, mise en scène par Franck Chartier, explore des thèmes tels que la manipulation, les fantômes intergénérationnels et l’art, dans une mise en abyme océanique…

Sous ce titre mystérieux S 62° 58’, W 60° 39’ se cache la géolocalisation de l’Île de la Déception dans l’océan Austral. Sur le plateau, un bateau hyperréaliste, pris dans les glaces, qui servira d’unité de lieu – un peu étriqué – à presque tout le spectacle. Sous les rafales, les coups de tonnerres, tangages et roulis, les performeurs s’y succèdent, maniant comme toujours l’humour noir, sortant de l’eau un enfant mort, tandis que nous saisissons que le futur du navire est fort compromis. Très vite aussi, nous comprenons qu’il s’agit d’un dispositif très pirandellien et, en réalité (laquelle ?), d’une pièce en cours de répétition ainsi que l’attestent les appels à « Franck », metteur en scène et demiurge invisible, dont la voix tonne par haut-parleur interposé. Ce procédé, déjà utilisé par Peeping Tom dans Triptych – qui se déroulait aussi dans un paquebot –, n’est pas de ceux qui réussissent le mieux à la compagnie belge, car, appuyé, il tourne vite à la démonstration et rompt la magie de l’inopiné. Dans ce cas précis, les propos grandiloquents sur la fin du théâtre, la révolte des acteurs contre leurs personnages stéréotypés, et le drapeau brandi par l’une des interprètes « Viva la Vulva », sonnent terriblement creux.

Une pièce titaniquesque

Et surtout, il n’y a presque pas de danse dans cette pièce de comédiens au bord de la crise de nerfs. Ce qui n’est pas un problème en soi, mais mine sérieusement l’originalité de Peeping Tom qui nous avait plutôt habitués à des spectacles hétérogènes, avec des trouvailles époustouflantes, tant dans l’invention gestuelle que dans l’utilisation astucieuse des décors, ou dans le travail du chant… Dans S 62° 58’, W 60° 39’, même l’humour est de sortie. Surnage une sorte de mélancolie désabusée, induite par la nostalgie du metteur en scène laissant entendre qu’il s’agit de sa dernière œuvre. Mais le comble est atteint quand le néanmoins excellent Romeu Runa se lance dans un long solo en forme de monologue, un peu surréaliste et totalement délirant, où tout y passe, du paradoxe du comédien à l’authenticité de la « chair », à « que signifie se donner à la scène en tant qu’artiste ? » le tout finissant sur « vous voulez que je me mette à poil. Voilà ! » puis, sautant, gambillant, agitant tous ses membres pendant un bon moment, le voici lancé dans une diatribe d’une théâtralité exhibée. Jusqu’à ce que, demandant à la cantonade au public de bien vouloir le raccompagner en coulisse, une spectatrice se dévoue… pour y mettre fin ? Un beau naufrage en tout cas.

Agnès Izrine

A propos de l'événement

S 62° 58’, W 60° 39’
du mercredi 3 avril 2024 au jeudi 4 avril 2024
Mac Créteil Maison des Arts
place Salvador Allende, 94000 Créteil

à 20h. Tél. : 01 45 13 19 19.

Opéra de Dijon, Auditorium, Place Jean Bouhey, 21000 Dijon. Le 9 avril. Tél : 03 80 48 82 82.

Pavillon Noir, 530 avenue Mozart, 13000 Aix-en Provence. Les 12 et 13 avril. Tél : 04 42 93 48 14. Durée : 1h20.

Également les 30 et 31 mai au STUK Arts Center, Louvain.

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