« Cher cinéma », nouvelle création de Jean-Claude Gallotta en hommage aux cinéastes
Chez Gallotta, le cinéma n’est jamais loin [...]
Aride est le contexte, mais les fleurs qui en sortent éclatent de mille couleurs, sous le prisme flamboyant de la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin et des danseurs du Garage Dance Ensemble. L’énergie vitale de la danse se déploie au cœur d’une histoire méconnue.
Tout est prêt pour le concert, le podium est monté face public, les instruments sont branchés, la batterie trône. Au loin, un texte défile qui nous plonge directement dans le contexte de création de cette nouvelle pièce signée de la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin : celui de la vie des habitants d’Okiep, descendants des Nama et des esclaves, héritiers d’un paysage de misère laissé par plus d’un siècle d’exploitation minière. Aujourd’hui, le cuivre n’étincelle plus, et les « coloured », comme on les nomme ici car « pas assez noirs » ni « tout à fait blancs », portent leurs métissages dans mille histoires de vies assurément pauvres. C’est justement par la couleur que Robyn Orlin a choisi de faire passer son message. Les tissus chatoyants de manquent pas, de même que les kaléidoscopes arc-en-ciel projetés en fond de scène, en écho aux corps qui préfèrent le rire et la fête. Si la musique du tandem uKhoiKhoi accompagne la pièce tout du long, les danseurs et danseuses du Garage Dance Ensemble – leur studio de répétition à Okiep est l’ancien garage d’une maison – prennent bien toute la place et s’emparent du devant de la scène dans une énergie vitale joyeuse que différentes touches viendront nuancer.
Musique et danse au cœur d’une réalité sociale
D’une simple corde, ils tracent au sol la calligraphie d’un cheminement tout en rondeur qui se tend si l’on avance. Blagueurs dès qu’il s’agit de prendre la parole (le coup du micro qui ne marche pas !), ils égrènent ensuite les mots de leur réalité, entre pain frit, alcool bon marché, chômage, déchets, cabanes… Le tissu, comme autant de pétales de fleurs chatoyantes qui entourent, protègent et embellissent le corps des danseuses et danseurs, est prétexte à des manipulations, à autant de déshabillages que de rhabillages. On passe d’un solo de tissu stretch en forme de Lamentation très grahamienne, à une scène de viol et de rapt que viendra consoler une figure centrale de femme et recouvrir une robe en lamé rose argenté. Derrière la musique chaloupée, la danse de serpent, ou la valse lente qui se transforme en chenille collective, Robyn Orlin n’exclut pas la violence, les discriminations, le sordide. Mais son parti pris, unanimement partagé par les artistes sur scène, sait jouer de ses couleurs saturées, de ses teintes irisées et de ses arcs-en-ciel militants pour déployer au public un nuancier que chaque danse vient raviver.
Nathalie Yokel
Les 27 et 28 novembre à 20h30, le 29 à 19h30, le 30 à 17h.
Tél : 01 53 65 30 00. Spectacle vu au Festival Montpellier Danse 2024.
Chez Gallotta, le cinéma n’est jamais loin [...]