Rencontre avec Laurent Papot, auteur et acteur de Perspective de fuite au Monfort

Acteur pour le cinéma et le théâtre – vous avez notamment créé avec la metteure en scène Séverine Chavrier la compagnie La Sérénade interrompue, et avez été interprète de plusieurs de ses spectacles –, vous signez avec Perspective de fuite votre première pièce personnelle. D’où en vient l’envie ?

Laurent Papot : L’origine de ce spectacle remonte à un jour de répétition avec Séverine Chavrier. En plein travail, elle a dû partir et m’a laissé pour consigne de continuer à travailler seul dans une salle de théâtre, sans technicien ni rien. J’ai alors eu l’idée de me filmer en train d’improviser, puis de me projeter ces films sur un grand écran afin d’avoir plus de recul. Puis je me suis mis à enregistrer aussi mes commentaires sur ces improvisations. C’est à partir de cette expérience que Séverine m’a confié une création dans le cadre des SOLI, temps fort de la programmation du Centre Dramatique National d’Orléans qu’elle dirige.

La commande vous impose une forme : celle de la conférence. Comment vous en emparez-vous ?

L.P. : Le spectacle est une déconstruction de cette commande sur la conférence. Je dis au départ vouloir faire une conférence sur une basket Nike – sujet un peu politique, un peu engagé, mais pas trop –, mais je finis par critiquer la posture même du conférencier.

« Je dis l’impossibilité de penser notre monde, l’insuffisance du langage »

 Grâce à un dispositif scénique de votre invention, vous conversez avec deux versions de vous-même.

L.P. : Je m’enferme en effet dans un dispositif qui est une perspective de fuite. Enfermé dans ma cabane, j’incarne un Papot 3 post-dépressif qui dialogue avec un Papot 1 naïf qui est une sorte d’idiot et un Papot 2 plutôt tragique dans le sens où il ignore sa condition. Avec ces partenaires, je dis l’impossibilité de penser notre monde, l’insuffisance du langage.

Y a-t-il malgré tout dans votre Perspective de fuite une lueur d’espoir ?

L.P. : Je ne propose pas d’alternative à cette faillite du langage, mais le spectacle lui-même peut, je l’espère, être perçu comme la lueur d’espoir dont vous parlez. En m’amusant avec mon dispositif piégeux, je présente le théâtre comme un espace où l’on peut se sauver individuellement et collectivement d’une perte de sens dont nous sommes nombreux à souffrir. Comme Henri Laborit dans son Éloge de la fuite, je fais de la fuite un geste de courage, de refus de la pensée du slogan qui nous empêche d’agir sur le monde.

Propos recueillis par Anaïs Heluin