L’Ecole des maris de Molière, mise en scène d’Alain Batis

« Deux orphelines sont confiées par contrat à la mort de leur père à Sganarelle et à son frère aîné, Ariste. Ils les éduquent selon deux visions opposées : Ariste consent à ce que sa pupille sorte et rencontre le monde, alors que Sganarelle, un des personnages les plus despotiques de Molière, séquestre la sienne. Ariste laisse à Léonor la liberté de l’accepter ou non comme époux, contrairement à Sganarelle qui croit pouvoir s’imposer à Isabelle. Molière renvoie les maris – et au final, tous les hommes – à l’école : voilà qui résonne fortement à notre époque qui débat de la parité, des rapports de pouvoir entre les sexes et des violences faites aux femmes. Cette comédie jubilatoire fait le portrait d’une femme qui prend le risque de conduire sa vie et de choisir la liberté. Sganarelle est l’arroseur arrosé. Belle leçon pour notre époque, témoignant du chemin qu’il nous reste à faire !

La jubilation d’un théâtre d’acteurs

J’ai pressenti la nécessité d’une dramaturgie des contrastes : extravagance et dépouillement du jeu, frottement des esthétiques. Sur un plateau en bois doté d’un rail qui évoque un kamishibaï où défilent des éléments mobiles créant des focales (à l’instar de ce petit théâtre de papier japonais), et d’un système de trappes suggérant l’enfermement dont il est question dans la pièce, les comédiens évoluent dans des costumes contemporains conjugués à des signes rappelant le XVIIème siècle. Contraste aussi au niveau musical, avec un trio inattendu fait d’une guitare électrique, d’un accordéon et d’une harpe, et mélange entre musique en live et musique enregistrée : nous racontons une histoire d’aujourd’hui où résonnent des échos du siècle de Molière. Alors que j’ai, pour l’essentiel, monté des pièces contemporaines, j’ai été rattrapé par le désir de mettre en scène L’Ecole des maris que j’avais eu tellement de plaisir à jouer. J’ai repensé à la joie de ce théâtre d’acteurs qui dit avec poésie la complexité des rapports amoureux, de ce théâtre populaire qui éclaire et rassemble. Guidé par ce désir, est né celui d’embarquer toute une équipe dans cette pièce savoureuse, empreinte d’une rare finesse et d’une poignante humanité. »

Propos recueillis par Catherine Robert