La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Quand j’étais Charles

Quand j’étais Charles - Critique sortie Théâtre saint denis Théâtre Gérard-Philipe CDN
Charles embrasse Maryse et embrase la scène ! Crédit Photo : Tristan Jeanne-Valès

Publié le 28 janvier 2016 - N° 240

Vincent Garanger interprète Charles, dont Fabrice Melquiot a écrit et met en scène la parole flamboyante. Le monologue vibrant d’un homme qui aime avec les mots des autres, servi par un acteur incandescent.

Ce spectacle, né dans les villages du bocage normand, autour du Préau de Vire, que Vincent Garanger codirige avec Pauline Sales, est aussi une déclaration d’amour au Morvan. « Ce monologue est à la fois le parcours d’un personnage et le portrait d’une région. Ce portrait de Charles et de ses paysages est en fait inspiré par un garçon que j’ai entendu, dans un bar du Morvan, au milieu d’une assemblée mélangée réunie autour des chansons populaires, chanter en dépassant la pudeur dans une énergie enfantine assez incroyable », dit Fabrice Melquiot. Charles travaille comme technico-commercial en machines agricoles. Une fois par semaine, il se rend dans un club de karaoké, où il peut « s’abandonner à son idole », Charles Aznavour, dans les chansons duquel on retrouve cet « entêtement à aimer » de Charles pour Maryse, sa femme qui « a des histoires avec d’autres ». Charles a rencontré Maryse au lycée ; il l’a épousée ; il ont eu un fils, que Charles n’aime pas parce qu’il n’aime que Maryse, son évidence à lui. Charles est cocu : cela aussi est évident. Mais Charles s’en moque : il aime Maryse éperdument, plus fort que la douleur et l’humiliation.

Charles, passionnément humain

Vincent Garanger interprète le monologue de ce chevalier sans armure avec une émotion et une justesse poignantes. « Dans le bruit familier de la boîte à la mode », au cœur d’une ruralité plus beauf que bohême, il chante Les Plaisirs démodés. Pas très sexy, le Charles, un rien vulgaire, un peu trop adepte du déodorant bon marché, dont il asperge ses aisselles, un peu trop terrien et matérialiste pour faire rêver sa Bovary, qui lui préfère le chic provincial du pharmacien… Un peu sotte, sans doute, la Maryse, de préférer partir plutôt que de rester dans la chaleur étouffante de l’amour de Charles… Mais ainsi vont les femmes, étourdis papillons, et ainsi restent les hommes, balourds et patauds, comme dans les chansons lucides et tristes de Charles Aznavour, auquel Charles le Morvandeau écrit sa peine dans des lettres désespérées. La finesse de l’interprétation de Vincent Garanger fait qu’on comprend Maryse en plaignant Charles. Insupportable et admirable, tel est Charles, à la fois ridicule et grandiose, pitoyable et splendide. Les masques de Judith Dubois et Kristelle Paré accompagnent le comédien, qui s’en empare pour jouer tous les personnages de cette tragédie ordinaire avec un talent suggestif sidérant. Avec ce spectacle et ce héros, humble, attachant et sincère, Fabrice Melquiot et Vincent Garanger rappellent que l’amour, avec lequel on ne badine pas, est la seule façon d’attester qu’on a vécu.

Catherine Robert

A propos de l'événement

Quand j'étais Charles
du vendredi 29 janvier 2016 au dimanche 14 février 2016
Théâtre Gérard-Philipe CDN
59 Boulevard Jules Guesde, 93200 Saint-Denis, France

Du lundi au samedi à 20h30 ; dimanche à 16h ; relâche le mardi. Tél. : 01 48 13 70 00. Puis en tournée : Colmar, Salle Europe et Comédie de l’Est CDN en co-accueil, du 25 au 27 février. Marseille, Théâtre des Bernardines, du 8 au 12 mars. Château-Gontier, Le Carré scène nationale, 15 et 16 mars. Meyrin (Suisse), Théâtre Forum, 19 mars. Saint-Etienne, Comédie CDN-La Passerelle puis itinérance, du 22 mars au 9 avril. Bagnols-sur-Cèze, Le Cratère scène nationale d’Alès, 12 avril. Saint-Christol-lès-Alès, Le Cratère scène nationale d’Alès, 13 avril. Saint-Martin-de-Valgalgues, Le Cratère scène nationale d’Alès, 14 avril. Vergèze, Théâtre municipal, 15 avril. Le Mans, Université du Maine, 11 et 12 mai. Aubergenville, La Nacelle, 20 mai. Vire, Le Préau Centre Dramatique de Normandie, 24 mai. Durée : 1h30. Spectacle vu au Théâtre Jean-Dasté (Juvisy-sur-Orge, Centre Culturel des portes de l’Essonne). Site pour renseignements : lepreaucdr.fr

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