Price

Avec votre Collectif Les Possédés, rebaptisé l’an dernier Collectif artistique du Théâtre de Lorient, vous explorez depuis 2002 les relations entre famille et individu. Comment Steve Tesich aborde-t-il le sujet dans Price ?

Rodolphe Dana : Comme Laurent Mauvignier dans Loin d’eux que j’ai adapté et interprété en 2009, Steve Tesich traite dans ce roman le passage à l’âge adulte d’une manière très sensible. Lorsque j’ai découvert le texte en 2014, au moment de sa tardive parution en traduction française, son personnage éponyme m’a tout de suite beaucoup ému. Vivant dans une banlieue américaine touchée par le chômage, Price est pris entre l’héritage catastrophique de ses parents et des perspectives d’avenir peu réjouissantes. Il parvient malgré tout à devenir un homme. C’est-à-dire à accepter le réel.

Écrit à la première personne, le roman donne accès à la subjectivité de ce protagoniste. Comment la donnez-vous à voir et à entendre dans votre adaptation ?

R.D. : Si j’ai conservé dans la première partie du spectacle des passages monologués nécessaires à la fluidité du récit, la seconde est entièrement dialoguée. L’action devenant trop urgente, on ne pouvait plus en extraire le personnage incarné par Antoine Kahan. Mais sa subjectivité est présente à travers le décor, la musique, la lumière…

« J’ai opté pour une lecture très universelle du livre de Steve Tesich, tout comme est universelle la nécessité pour un homme de quitter le foyer parental pour s’accomplir. »

 Situez-vous votre pièce dans le contexte américain décrit par l’auteur ?

R.D. : Si les États-Unis des années 60 sont présents dans notre pièce, c’est surtout par de petits clins d’œil. Par certaines musiques et éléments de décor. Peut-être aussi par une vision de la vie. Une manière de distinguer les « winners » des « losers ». Mais j’ai opté pour une lecture très universelle du livre de Steve Tesich, tout comme est universelle la nécessité pour un homme de quitter le foyer parental pour s’accomplir. Et l’amour.

L’amour semble en effet être la seule utopie de Price…

R.D. : Price le dit lui-même dans le roman : « même les jeunes sauveurs de l’humanité sont au chômage ». Pour autant, il ne sombre pas dans le désespoir. D’une grande sensibilité et attiré par la littérature, Price se met à l’écoute des mots pour se créer un autre monde, plus habitable que celui où il vit. En plus d’être un superbe roman d’apprentissage, le livre de Steve Tesich raconte la naissance d’un écrivain. Ce qui n’est pas la pire des perspectives…

Propos recueillis par Anaïs Heluin