Le Langage des cravates
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À partir de la notion de « rêve dévorant » développée par Gilles Deleuze lors d’une conférence à la Fémis, Benjamin Porée crée une adaptation de La Mouette de Tchekhov.
Avec votre compagnie La Musicienne du silence fondée en 2009, vous avez monté Platonov en 2012. Pourquoi revenir à Tchekhov avec une adaptation ?
Benjamin Porée : Si j’ai jusque-là monté des textes de manière classique, la réécriture s’est imposée lorsque j’ai abordé La Mouette. Non que la traduction d’André Markowicz et les autres ne me plaisent pas : je voulais m’approprier la pièce, à la fois à travers un travail en amont et par une écriture de plateau. Nous avons enregistré de nombreux moments d’improvisation que nous avons ensuite retouchés. Les comédiens sont aussi intervenus sur leurs répliques, afin de les adapter à leur sensibilité.
« Je voulais m’approprier la pièce, à la fois à travers un travail en amont et par une écriture de plateau. »
Une démarche très cinématographique…
B.P : Je rêve en effet de faire du cinéma. Mon approche de La Mouette m’a permis d’expérimenter un processus proche de l’écriture d’un scénario tout en continuant de faire du théâtre. Je poursuis aussi dans ce spectacle mon travail sur la vidéo commencé dans ma mise en scène de Trilogie du revoir de Botho Strauss. Tout un acte est filmé en direct, et j’utilise de nombreuses vidéos réalisées en amont. La première scène de la pièce est aussi tirée de Paris Texas de Wim Wenders.
La citation de Gilles Deleuze qui vous a inspiré – « le rêve est une terrible volonté de puissance » – concernait à l’origine le cinéma de Vicente Minelli. Est-ce ce qui vous a poussé à en faire l’axe de votre travail ?
B.P : C’est plutôt le sens général de la phrase qui m’a intéressé, ainsi que sa pertinence par rapport à La Mouette. Si l’on veut schématiser, on peut dire que dans les deux premiers actes de la pièce nous sommes dans le rêve de Treplev, avant d’entrer dans celui de Nina. Treplev se fait dévorer par le rêve de celle qu’il aime, qui est aussi celui de bon nombre de jeunes de notre époque. Celui qu’engendre le star system : l’accès à la renommée, auquel certains artistes sont prêts à tout sacrifier. C’est à la fois monstrueux et très humain.
Quelle est la place de Deleuze dans votre pièce, par rapport à celle de Tchekhov ?
B.P : Si je ne reprends pas les mots de Deleuze, les notions de ligne de fuite et de névrose qui traversent son œuvre sont très présentes dans mon travail. Surtout dans l’acte IV, où Treplev parle de ce qu’il écrivait quand il était jeune et où il se rend compte qu’il a échoué de la même façon que Trigorine. On retrouve toutefois toutes les scènes de La Mouette. Dans l’écriture, j’ai aussi essayé d’être au plus près du sensible tchekhovien, et de restituer la capacité incroyable de l’auteur à saisir le temps qui passe.
Propos recueillis par Anaïs Heluin
du mardi au samedi à 20h45, dimanche à 17h. Tél : 01 46 61 36 67. www.lesgemeaux.com
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