La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Présents parallèles

Présents parallèles - Critique sortie Théâtre Paris La Reine Blanche
Xavier Gallais et Marianne Basler dans Présents parallèles. Crédit photo : Pascal Gély

La Reine Blanche / de Jacques Attali / mes Christophe Barbier

Publié le 27 septembre 2016 - N° 247

A partir d’une hypothèse, la fiction écrite par Jacques Attali et mise en scène par Christophe Barbier s’égare dans un vaudeville sentencieux.  

Ivresse de la répétition, exigence éthique de l’éternel retour et interrogation sur la responsabilité historique : le théâtre, la littérature et la philosophie sont riches de ces variations autour du thème du temps. En ajoutant le théâtre dans le théâtre et la désorientation de la mise en abyme, Jacques Attali fabrique un nid conceptuel accueillant, dans lequel il tente de faire éclore son texte. Il part d’une hypothèse présentée comme politiquement incorrecte : « et si les nazis étaient encore au pouvoir en France en 2016 ? ». La ficelle est épaisse et le trait grossier ; le vocabulaire, pour le moins fleuri, est à hauteur de scandale. Comprendra qui veut bien se laisser prendre au jeu de la parabole : l’Allemagne maître de l’Europe, les réfugiés agglutinés à ses portes et l’incurie sémantique et morale de notre époque constituent la preuve que l’Occident est désormais contaminé par la peste qu’il a cru éradiquer, il y a soixante-dix ans. Rien d’étonnant à cela, puisque les Français sont fondamentalement collabos, veules et lâches… Le passage didactique sur les artistes sous l’Occupation, au mitan de la pièce, l’établit avec morgue : tous des vendus et Sartre au premier rang des salauds !

Vaudeville répétitif et sentencieux

En plus de cette analyse historique superficielle et de ce fonds intellectuel indigent, l’écriture se plaît à des répétitions lassantes. Le grand-père était un héros, les femmes peuvent prétendre à l’égalité, les « pédés » peuvent se marier et le méchant mari perd toujours, face au prince charmant : le leitmotiv lourdaud, et pour le coup, tout sauf insolent, peine à convaincre. D’ailleurs, si les homosexuels et les femmes sont à ce point à défendre – et on admettra aisément que la stricte égalité des droits reste à conquérir –, pourquoi la mise en scène choisit-elle de transformer Marianne Basler en lionne choucroutée pour camper la dramaturge émancipée, et d’affubler Jean Alibert d’un t-shirt en résille pour incarner l’homo musculeux, tripotant son gigolo américain ? Les comédiens – dont on connaît par ailleurs le solide talent – se débattent dans le piège d’un texte platement vaudevillesque, conduits par une mise en scène qui les fait valser de cour à jardin, d’étreintes maladroites en conflits égosillés. Puisque tout est dans tout, et réciproquement, la pièce anticipe sa critique : comme si Cassandre prévenait l’époque en revendiquant le caractère inepte de ses mises en garde. Que dire, alors, quand l’analyse se mithridatise à force d’autodérision et que l’écriture singe l’inanité verbale actuelle pour justifier la sienne ? Si l’Histoire ne bégaie pas – autre hypothèse possible –, elle juge ses œuvres et plonge, fort heureusement, la médiocrité dans l’oubli.

Catherine Robert

 

A propos de l'événement

Présents parallèles
du mercredi 7 septembre 2016 au jeudi 3 novembre 2016
La Reine Blanche
2bis Passage Ruelle, 75018 Paris, France

Du mardi au samedi à 20h45. Tél. : 01 40 05 06 96. Durée : 1h20.

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