Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Le titre de votre pièce laisse penser que vous ne traiterez que les derniers jours de Jaurès…

Dominique Ziegler : Au contraire ! C’est un clin d’œil à la chanson de Brel, et la pièce cherche à faire naître la réflexion sur ce que les idées défendues par Jaurès avaient de dérangeant. Ce titre invite aussi à se poser des questions sur la violence de certaines classes sociales, qui avaient tout intérêt à ce qu’il meure, et sur les vraies causes de la guerre de 14. Nous traiterons toute sa vie, en commençant par ses racines paysannes et ses amours malheureuses. Je me suis documenté pendant deux ans mais ce n’est pas pour autant une pièce pour spécialistes. On peut arriver sans rien connaître de cet homme.

« Retracer sa vie est une réponse aux maux de la vie politique d’aujourd’hui. »

Qu’est-ce qui caractérise cet homme pour vous   ?

D.Z   : C’est un peu un cliché mais c’est pourtant vrai : sa totale droiture, sa fidélité à un idéal socialiste dans le sens noble du terme. Jaurès croyait à la fois au socialisme et à la République et retracer sa vie est une réponse aux maux de la vie politique d’aujourd’hui. Cet homme était à la fois un intellectuel et un politique, formé à la philosophie et capable de manifester avec les ouvriers de Carmaux. En tant que journaliste, il s’était penché sur un tas de questions comme la peine de mort, l’antisémitisme, le nationalisme ou encore la question ouvrière.

Comment traiterez-vous théâtralement cette somme d’informations   ?

D.Z.   : J’ai l’habitude de mener ce que j’appelle un théâtre politique et populaire. J’aime mêler la narration – des situations avec de forts enjeux dramatiques – et y insuffler de la matière historique. Nous avons construit un feuilleton depuis les racines paysannes, évoquant le racisme social auquel il est confronté dans ses premières amours afin d’éviter le piège de la statue du commandeur. Il y avait un Jean avant Jaurès. C’était un homme touchant et vulnérable, et un homme clairvoyant.

Propos recueillis par Eric Demey