La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Points de non-retour [Quais de Seine] d’Alexandra Badea

Points de non-retour [Quais de Seine] d’Alexandra Badea - Critique sortie Théâtre Paris La Colline – Théâtre National
Points de non-retour [Quais de Seine], d’Alexandra Badea. Crédit : Christophe Raynaud de Lage

La Colline – Théâtre national / texte et mes Alexandra Badea

Publié le 28 octobre 2019 - N° 281

Un an après Thiaroye*, Alexandra Badea présente Quais de Seine, deuxième volet de sa trilogie Points de non-retour. Une nouvelle occasion d’éclairer les récits manquants de l’histoire de notre pays, en explorant les notions d’origines, d’oubli, d’effacement.

Le 17 octobre 1961, à Paris, la police française, sur ordre du préfet de police Maurice Papon, réprime dans le sang une manifestation d’Algériens organisée par le FLN. C’est cet événement meurtrier (les chiffres, quoiqu’incertains, laissent entrevoir plusieurs dizaines de morts et une centaine de disparus) qu’Alexandra Badera a placé au cœur de Points de non-retour [Quais de Seine]**, spectacle créé l’été dernier lors du Festival d’Avignon et aujourd’hui présenté au Théâtre de la Colline. Nous retrouvons Nora (Sophie Verbeeck), journaliste qui enquêtait sur le massacre de Thiaroye dans le précédent opus de la trilogie imaginée par l’autrice et metteuse en scène d’origine roumaine. Aux côtés de ce personnage, au sein d’une scénographie de Velica Panduru qui scinde le plateau en deux parties (à l’avant de la scène, se jouent les circonstances du présent ; à l’arrière de la scène, derrière un tulle, surgissent celles du passé), nous faisons la connaissance d’un thérapeute (Kader Lassina Touré), ainsi que d’un couple (Irène / Madalina Constantin et Younes / Amine Adjina) qui tente de vivre son amour malgré les bouleversements qu’entraîne la Guerre d’Algérie.

Le massacre parisien du 17 octobre 1961

Comme c’était le cas la saison dernière dans Thiaroye, la nouvelle création d’Alexandra Badea nous plonge dans un croisement de récits mêlant grande et petites histoires pour éclairer les implications des désordres politiques sur les existences intimes. Une fois encore, ce théâtre réparateur, qui vient mettre en lumière des événements maintenus dans l’obscurité, nous touche. Même s’il apparait moins ample, ici, que dans le premier volet de Points de non-retour (la trilogie s’achèvera par un spectacle sur l’histoire de l’Ile de la Réunion et l’affaire des « Enfants de la Creuse). La faute à quelques concessions faites au mélodramatique, à certaines perspectives de jeu et d’écriture qui auraient gagné à davantage de complexité. Bien sûr, c’est dommage. Mais ces faiblesses finissent peu à peu par s’estomper pour laisser rayonner la lucidité d’un projet de théâtre authentique et valeureux. Un projet qui nous place face à d’utiles considérations sur la construction des êtres et des vies, sur la violence du silence et l’oppression de l’oubli.

* Critique dans La Terrasse n° 269, octobre 2018.

** Texte publié chez L’Arche Editeur.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Points de non-retour
du jeudi 7 novembre 2019 au dimanche 1 décembre 2019
La Colline – Théâtre National
15 rue Malte-Brun, 75020 Paris

Petit Théâtre. Du 7 novembre au 1er décembre 2019. Du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h, le dimanche à 16h. Durée de la représentation : 1h45. Spectacle vu lors de sa création au Festival d’Avignon, au Théâtre Benoît XII, le 12 juillet 2019. Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr

Egalement du 4 au 7 décembre 2019 à la Comédie de Béthune, les 22 et 23 janvier 2020 au Lieu Unique à Nantes, le 3 février au Gallia Théâtre à Saintes, le 6 février à la Scène nationale d’Aubusson, du 12 au 14 mai à la Comédie de Saint-Étienne, le 1er juin au Sibiu International Theatre Festival en Roumanie.

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