Pinocchio, adaptation et mise en scène de Jérémie Le Louët

La compagnie des Dramaticules réunit, autour de Jérémie Le Louët, des artistes qui décloisonnent les genres et interrogent les conditions du théâtre. Ils créent des spectacles originaux, véritables fêtes pour l’esprit et les sens, mêlant volontairement tradition et expérimentation, grandiloquence et réalisme, moquerie satirique et hommage vibrant, tragédie classique et canular. Après quelques grandes figures héroïques, occasions de remarquables spectacles – dont le magnifique Hamlet toujours en tournée –, Jérémie Le Louët et les siens explorent aujourd’hui celle de Pinocchio, en rendant au bonhomme de bois complexité sensible et liberté provocante dont les versions édulcorées du mythe l’ont peu à peu privé.

Mélancolie festive

Jeté sur un chemin hasardeux qui le confronte à ses frustrations, ses pulsions et ses travers, Pinocchio parcourt une Italie fantasmée où les bûches prennent vie, où les animaux parlent et où les morts reviennent. Les épisodes se succèdent avec une jubilation frénétique et débridée. Pinocchio est un oxymore, un curieux mélange d’éléments contraires. Son traitement théâtral se fait donc l’écho de la nature paradoxale de ce curieux monstre. La pyrotechnie théâtrale se déploie dans le rire et la joie de la comédie autant que dans la noirceur de la farce. « Je crois qu’on ne peut pas jouer Pinocchio sans un regard empreint de cruauté », dit Jérémie Le Louët. « Pinocchio, c’est le masque : la théâtralité, mais c’est aussi la nostalgie du visage. « Adieu, jolis masques ! » comme le dit le héros à la fin du roman. Je vois Pinocchio comme un cauchemar festif, plein de couleurs mais avec le goût un peu amer que l’on éprouve quand on perd quelque chose, l’innocence, peut-être… »

Catherine Robert