Philippe Minyana
Théâtre national de La Colline / de Philippe Minyana / mes Marcial Di Fonzo Bo
Publié le 24 février 2014 - N° 218Le Théâtre national de la Colline présente la nouvelle pièce de Philippe Minyana, dans une mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo. Une déambulation entre funèbre et grotesque au centre de laquelle Catherine Hiegel fait face à Marc Bertin, Raoul Fernandez, Helena Noguerra et Laurent Poitrenaux.
Le personnage-titre d’Une Femme* est interprété par Catherine Hiegel, une habituée de votre théâtre. Avez-vous écrit ce rôle pour elle ?
Philippe Minyana : Oui, absolument. C’est une comédienne que je connais bien et depuis longtemps. Lorsque j’écris pour elle, cela engendre souvent des déambulations. Le personnage d’Une Femme, comme celui qu’elle incarnait dans La Maison des morts (ndlr, pièce de Philippe Minyana mise en scène, en 2006 au Théâtre du Vieux-Colombier, par Robert Cantarella), va de lieu en lieu. Elle découvre l’humanité et tout ce qui la constitue. Cette femme est une figure du chagrin. Comme si elle représentait toute l’humanité, et comme si l’humanité renvoyait, fondamentalement, au chagrin.
Pourquoi Catherine Hiegel vous inspire-t-elle cela ?
Ph. M. : Je ne sais pas, c’est chimique… Mais ce qu’elle m’inspire est double : il y a certes le chagrin, mais aussi la farce. Car je ne peux aborder les rives du funèbre que si je convoque, dans le même temps, le rire, le grotesque.
Si on considère cette double orientation, Une femme se positionne plus clairement du côté du funèbre que vos précédentes pièces…
Ph. M. : Oui, c’est vrai. En vieillissant, on se rapproche de la mort… L’idée d’irréversible, de tragique est donc plus développée. L’idée d’un monde malade, aussi, qui se dessine en arrière plan.
« Je ne peux aborder les rives du funèbre que si je convoque, dans le même temps, le rire, le grotesque. »
Au-delà de cette opposition entre funèbre et farce, le magique occupe également une place importante…
Ph. M. : Oui, il trace la voie pour s’en sortir. La fin de la pièce est magique et lumineuse. C’est une allégorie qui permet d’échapper à l’inévitable, à la fatalité dont je viens de parler. N’en pouvant plus du monde aride dans lequel elle vit – un monde où l’amour et le dialogue sont impossibles, où il n’existe pratiquement pas de zone d’apaisement -, cette femme décide de fuir. Mon souci au théâtre est moins de raconter des fictions que de regrouper, dans un même paysage, toutes les figures mythologiques qui nous hantent, qui nous habitent et, ainsi, de cadrer au plus près du thème qui traverse toutes mes pièces : la chute de l’homme.
Vous déclarez souvent être habité par certains textes. Quel est votre rapport à l’inspiration ?
Ph. M. : J’ai toujours les livres qui me sont chers autour de moi. Cette proximité physique est très importante, c’est la raison pour laquelle je ne peux écrire que chez moi. Il y a Beckett, Cioran, Handke, Carver, Vinaver, Botho Strauss… Toutes ces œuvres sont là pour m’encourager, un mot peut déclencher tout un paragraphe. Je dois énormément à la littérature. Dans ma vie, il m’est arrivé d’être dans de grands périls, comme tout le monde, et la littérature – dans laquelle j’inclus le théâtre – m’a toujours sauvé. Lire un livre, un texte, c’est mon viatique : c’est ce qui m’a toujours tenu en vie.
* Texte publié chez L’Arche Editeur, lauréat de l’Aide à la création du Centre national du théâtre.
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
Une Femmedu jeudi 20 mars 2014 au jeudi 15 mai 2014
Théâtre national de la Colline.
15 Rue Malte Brun, 75020 Paris, France
Du 20 mars au 5 avril 2014 (Petit Théâtre) et du 9 au 17 avril (Grand Théâtre). Du mercredi au samedi à 21h, le mardi à 19h, le dimanche à 16h. Tél. : 01 44 62 52 52. www.colline.fr
En tournée du 23 au 25 avril 2014 à la Comédie de Saint-Etienne, le 6 mai au Théâtre Les Treize Arches à Brive, du 13 au 15 mai au Théâtre des Treize vents à Montpellier.