La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Danse - Entretien

Philippe Decouflé

Philippe Decouflé - Critique sortie Danse
Crédit : Xavier Lambours Légende : Variation sur le blanc et le noir, l’amour et la jalousie.

Publié le 10 janvier 2011 - N° 184

Les vertiges de la beauté

Jalousie, Shiva, Hélas tique, Boîte noire, Squelettes, l’Argothique, Talons aiguilles et Boléro : c’est en huit temps que se joue Octopus, de Philippe Decouflé. Dans cette pièce colorée, le chorégraphe illusionniste rend hommage à la beauté et offre un précipité de sa danse.

 « Quelque chose qui parle du corps de l’acteur au corps du spectateur. »
 
D’où viennent ces huit poèmes chorégraphiques ?
Philippe Decouflé : Je travaille avec mon cœur. Je suis tombé amoureux d’une danseuse et j’ai écrit une série de duos pour elle, rousse à la peau laiteuse, et un danseur, d’un noir mat. Leurs corps, atypiques dans leur beauté, créent une forme d’harmonie par leurs mouvements. A partir de cette variation sur le blanc et le noir, sur l’amour et la jalousie, j’ai voulu continuer à travailler sur le corps. Je pars de plus en plus de thèmes simples, en apparence. Un sentiment, un rêve ou un geste peuvent donner l’élan à une création. Je m’inspire de mes interprètes et de ce qu’il y a autour de moi. Durant un an, j’ai expérimenté des intuitions, des visions, essayé des chorégraphies de bouts de corps, comme un puzzle, chiné autour de l’esthétique gothique. Les différents tableaux sont nés de ces recherches. Je les concevais au début comme des modules indépendants, mais très vite ils se sont reliés les uns aux autres.
 
Etes-vous un homme jaloux ?
Ph. D. : Oui et c’est un sentiment que je n’aime pas. Donc je me sers de cette énergie négative pour créer une force positive. J’ai appris cela dans ma jeunesse. Et cela marche plutôt bien. La scène fonctionne comme une thérapie au sens où on peut tester tous les soirs, jouer avec l’état dans lequel on est. Elle remet aussi l’ego à sa place, parce que l’on fait ce dont on est capable, et l’on obtient ce que l’on peut obtenir.
 
Octopus, comme vos précédentes pièces, croisent à égalité tous les éléments scéniques. Comment se déroule la collaboration avec les créateurs et les danseurs dans le studio pour parvenir au spectacle total ?
Ph. D. : Comme toujours, j’arrive avec des idées, des mots, des bouts de films, que je partage ensuite avec toute l’équipe. Le processus devient collectif. Pour Octopus, nous avons travaillé comme un groupe de rock. Nous étions tous ensemble à la Chaufferie, le lieu de ma compagnie à Saint-Denis : certains dansaient, les autres créaient la musique, la lumière ou un effet vidéo. Nous formions un laboratoire où chacun explore autour de thématiques avec les moyens propres à son art. Je compose avec ces multiples matières. Contrairement à mes premières pièces, que j’écrivais suivant l’ordre chronologique, je fonctionne depuis plusieurs années maintenant par fragments et travaille parallèlement sur tous les aspects du spectacle. La chorégraphie, très présente ici, la scénographie, les images, la lumière et la musique interagissent ensemble.
 
Chacune des personnalités de l’équipe apporte donc au tout. Quelles sont les qualités qui vous importent, chez un danseur par exemple ?
Ph. D. : Les qualités techniques et corporelles comptent, mais finalement moins que l’entente que je peux pressentir. Il faut surtout qu’on se comprenne tout de suite, qu’on partage des références communes, un univers… le plaisir de faire et de donner. Sans doute est-ce pour cette raison que je travaille souvent avec les mêmes. J’ai besoin de cette complicité. La troupe mélange des fidèles et quelques nouveaux venus, dont un qui a dansé chez Pina Bausch et l’autre chez Merce Cunningham, deux chorégraphes que j’admire beaucoup. C’est ma façon me nourrir de l’héritage des maîtres.
 
Qu’avez-vous envie de partager avec le public ?
Ph. D. : J’espère emmener les spectateurs dans un rêve éveillé, une fantasmagorie entre réalité et poésie, où se mélangent la beauté, les émotions, la laideur, la violence, le calme… C’est un voyage à travers différents états, que nous partageons avec le public parce que les comédiens ne jouent pas la comédie : ils sont eux-mêmes et font avec l’état dans lequel ils sont. C’est une forme de vérité, d’honnêteté, parfois un peu crue, que l’esthétique permet de recevoir. C’est quelque chose qui parle du corps de l’acteur au corps du spectateur… La magie de la danse, quoi !
 
Entretien réalisé par Gwénola David


Octopus, mise en scène et chorégraphie de Philippe Decouflé. Du 5 janvier au 4 février 2011, à 20h30, sauf dimanche à 15h30, relâche lundi ainsi que les dimanches 9, 23 et 30 janvier. Théâtre national de Chaillot, Place du Trocadéro, 75016 Paris. Rens. 01 53 65 30 00 et www.theatre-chaillot.fr.

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