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Théâtre - Entretien

Peter Stein revient à Tchekhov avec Le Chant du cygne, Les Méfaits du tabac, La Demande en mariage et le comédien Jacques Weber.

Peter Stein revient à Tchekhov avec Le Chant du cygne, Les Méfaits du tabac, La Demande en mariage et le comédien Jacques Weber. - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de l’Atelier
Le metteur en scène Peter Stein. Crédit : Maria Laetizia piatoni

d’Anton Tchekhov / mes Peter Stein

Publié le 13 juillet 2020 - N° 286

Après une double échappée dans le théâtre de Molière par le biais du Tartuffe et du Misanthrope, le metteur en scène allemand Peter Stein revient à l’un de ses auteurs de prédilection : Anton Tchekhov. Il crée Le Chant du cygne, Les Méfaits du tabac et La Demande en mariage, trois pièces en un acte interprétées par Jacques Weber, Marion Combe et Loïc Mobihan.

Pour ce nouveau spectacle, vous retrouvez Jacques Weber qui semble être devenu votre comédien français fétiche. Comment pourriez-vous caractériser la relation artistique qui vous unit l’un à l’autre ?

Peter Stein : C’est une relation de grand respect et de grande fidélité qui a commencé avec ma mise en scène du Prix Martin de Labiche, en 2013, à l’Odéon. Je crois que ce qui plaît à Jacques Weber, c’est que je suis un metteur en scène très traditionnel, un metteur en scène qui envisage le théâtre de façon artisanale. Ce qui implique notamment de centrer mon travail sur l’acteur et la force de jeu qu’il est capable de déployer sur scène. Je suis très fier et très ému qu’un artiste de son envergure me fasse ainsi confiance, de spectacle en spectacle, pour l’accompagner dans son chemin d’acteur. C’est un grand cadeau qu’il me fait.

 

Comme vous le dites, l’art de l’acteur se situe au cœur de votre univers de création. Que cherchez-vous à explorer et à atteindre avec les comédiens que vous dirigez ?

PS. : J’appartiens à une catégorie de metteurs en scène qui n’existent plus. J’entends par là des metteurs en scène dont la préoccupation essentielle est d’éclairer l’œuvre d’art dont ils s’emparent et non d’essayer de se mettre en avant. Ce sont les acteurs qui me permettent de vraiment comprendre les textes que je mets en scène. C’est grâce à eux, à leur talent, à la puissance de leur art, que je réussis à percevoir la vérité profonde des chefs-d’œuvre de la littérature dramatique. J’en serais, je crois, incapable tout seul, malgré les connaissances que je peux avoir sur les auteurs, sur la place qu’ils occupent dans l’histoire du théâtre, sur la philosophie de leurs œuvres… Toutes ces choses sont évidemment fondamentales, mais sans l’expérience concrète à laquelle les acteurs donnent naissance sur scène, il me serait difficile de saisir toute la complexité des grandes pièces du répertoire. Les comédiens sont comme mes yeux, comme mes oreilles, comme mon cerveau… Même si je sais que, comme moi, ils ne sont pas très intelligents ! Mais, ensemble, nous pouvons parvenir à révéler le cœur d’un texte : comme des nains qui grimperaient les uns sur les autres et parviendraient ainsi à une hauteur qu’ils auraient été incapables d’atteindre individuellement.

 

« Ce sont les acteurs qui me permettent de comprendre les textes que je mets en scène. »

 

Pourquoi vous plonger aujourd’hui dans Le Chant du cygne, Les Méfaits du tabac et La Demande en mariage d’Anton Tchekhov 

PS. : L’œuvre d’Anton Tchekhov représente un peu mon théâtre de prédilection. A côté des pièces des auteurs grecs classiques, cette écriture est sans doute celle pour laquelle j’ai le plus de considération. Lorsque Jacques Weber m’a demandé avec quel texte nous pourrions poursuivre notre chemin commun, je lui ai proposé ces trois pièces qui sont comme des monologues.

 

Qu’avez-vous mis à jour à leur propos en commençant à répéter avec vos comédiens ?

PS. : Nous avons découvert que Le Chant du cygne et Les Méfaits du tabac ne sont pas des farces, seule La Demande en mariage en est une. Ces deux premières pièces présentent des personnages tragiques, des personnages plongés dans des crises existentielles extrêmement vives. C’est très émouvant de découvrir ainsi un angle de vision auquel on ne s’attendait pas. Cela change évidemment la façon dont on s’empare de ces textes : on ne les aborde pas comme des comédies, mais comme on le ferait de n’importe quelle grande pièce de Tchekhov.

 

Qu’est-ce qui, pour vous, fait la grandeur de cette écriture

PS. : Tout d’abord sa simplicité. Et puis, c’est l’écriture d’un pionnier, une écriture qui a permis, grâce à de nombreuses innovations, au théâtre européen du XXème siècle de naître. Enfin, Tchekhov est un auteur absolument sincère, un auteur à la recherche de la vérité personnelle des personnages qui peuplent ses pièces. Ceci, en faisant preuve à leur égard d’un grand amour, mais aussi d’une grande cruauté. C’est sans doute ce qui permet à ces personnages d’être, comme ils le sont, profondément vivants.

Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat

 

A propos de l'événement

Peter Stein revient à Tchekhov
du mardi 22 septembre 2020 au vendredi 30 octobre 2020
Théâtre de l’Atelier
1 place Charles-Dullin, 75018 Paris.

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h. Tél. : 01 46 06 49 24. www.theatre-atelier.com

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