« Croire aux fauves » : Laure Werckmann adapte et interprète le récit autobiographique de l’anthropologue Nastassja Martin
Laure Werckmann adapte et interprète le récit [...]
La pièce de Clea Petrolesi, créée en 2022, continue sa tournée. Aldric, Oussama, Clarisse et Léa.o font passer le handicap du hors-champ à la scène, entre références mythiques et anecdotes intimes.
Le 11 février 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap, instaure les bases d’une société plus inclusive. Egalité des droits, non-discrimination et accessibilité en sont les maîtres-mots. Vingt ans après, la diffusion des œuvres sur, avec et surtout par les personnes en situation de handicap demeure confidentielle. Ce pourquoi il faut saluer les salles qui, comme le Théâtre de la Tempête, accueillent les spectacles qui osent tranquillement (et drôlement !) affirmer, à l’instar d’Oussama dans la pièce de Clea Petrolesi, qu’être autiste Asperger, c’est ressembler à Greta Thunberg, c’est-à-dire « aimer la nature et se faire insulter par les gens »… La metteuse en scène réunit sur scène cinq jeunes interprètes, en situation de handicap ou non, pour jouer ensemble comme on devrait vivre ensemble : en racontant son talon d’Achille ou son épée de Damoclès sans que ceux à qui on le dit ne jugent ou n’essentialisent la situation. Le handicap n’est ni un drame ni une chance : c’est un fait. L’individu doit faire avec, faute de pouvoir faire sans, et il faut bien que la société finisse aussi par faire avec.
Un homme, un point c’est tout !
Léa Clin et Félix Omgba, Marine Déchelette et Floriane Royon, Guillaume Schmitt–Bailer et Kerwan Normand, Noé Dollé et Côme Luquet, Oussama Karfa (avec la participation de Jean-Daniel Dupin, Noham Lopez et Auguste Sow-Konan), dynamitent allègrement les normes et les taxons et racontent, sans médicaliser, sans larmoyer, sans provoquer terreur ou pitié, sans s’excuser d’être visibles et encore moins d’être invisibles. Ils imposent leur chance, serrent leur bonheur et vont vers leur risque, racontent leur passion pour la mode, les chiffres romains ou les chats. À les regarder, on s’habitue : voilà la grande force du spectacle de Clea Petrolesi, qui ne crée pas un cirque pour freaks mais une agora pour jeunes gens aux individualités intéressantes et attachantes. « En matière de normes biologiques, c’est toujours à l’individu qu’il faut se référer », disait Georges Canguilhem, et c’est au malade de se déclarer comme tel. Ceux-là affirment tout autre chose que ce que les normopathes disent à leur propos : leur idiosyncrasie est irréductible. Ce spectacle est, en ce sens, éminemment politique et vaut comme revendication égalitaire plutôt que comme thérapie de groupe. On en ressort sans avoir pu catégoriser, et il a fallu s’ouvrir pour comprendre. La scénographie de Margot Clavières suggère adroitement l’appel à la mise en commun et à l’écoute (qui n’est pas la charité bienveillante et niaise des supposés valides) : à l’assemblée des humains ou au banquet des peuples, chacun peut venir s’asseoir et raconter sa manière de traverser l’existence : « tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui », aurait dit Sartre.
Catherine Robert
Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Relâche le 13 octobre. Tél. : 01 43 28 36 36. Durée : 1h15.
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