La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

« Pedro » de Juliette Navis clôture magnifiquement sa trilogie

« Pedro » de Juliette Navis clôture magnifiquement sa trilogie - Critique sortie Théâtre 75019 Paris Le Cent Quatre
Laure Mathis et Douglas Grauwels dans Pedro. © Simon Gosselin

Le CENTQUATRE-PARIS / texte et mise en scène de Juliette Navis

Publié le 18 décembre 2025 - N° 339

Après J.C. et Céline, Juliette Navis achève sa trilogie consacrée à la culture pop avec Pedro, fascinant orgasme théâtral porté par les extraordinaires Laure Mathis et Douglas Grauwels.

Tuilant l’esthétique de Pedro Almodóvar, roi de la fantaisie, et l’imaginaire d’Ursula K. Le Guin, queen de la fantasy, Juliette Navis retrouve Laure Mathis et Douglas Grauwels, les interprètes des deux premiers solos de sa trilogie déjantée, pour un duo survolté et hilarant sur les affres du couple, de la sexualité, de la frustration et de la jouissance. Cette plongée en apnée dans les abysses du patriarcat est aussi fine que gaillarde, aussi profonde que réjouissante. Parmi tous les spectacles féministes du moment, celui-là est sans doute le plus drôle tout en étant l’un des plus pertinents. Il rappelle que la dénonciation politique et le militantisme peuvent être allègres et ne perdent pas en force en gagnant en humour. La marrade (selon le mot de l’exposition dunkerquoise sur les luttes féministes à voir jusqu’en mars 2026) peut être un outil théâtral et politique efficace : « mieux est de rire que de larmes écrire ». Laure Mathis et Douglas Grauwels campent Beatriz et José Manuel, acteurs de Pedro Almodóvar, embarqués dans une scène de ménage ébouriffante et iconoclaste !

Sexo va : sexe viene

L’adresse au public se déploie sur fond d’une sidérante aisance interprétative. Le cours d’anatomie sur le clitoris, les coups de fils de la mère inquiète, les règlements de comptes avec le père phallocrate et castrateur sont aussi jubilatoires que sont hallucinantes de précision la mise en place de cette leçon de déconstruction et la chorégraphie de ses affects. Les comédiens jouent sur un immense tapis de danse qu’égayent deux grosses boules en peluche et patchwork ; le texte vibrionnant qu’ils débitent avec un accent espagnol à couper au couteau réussit le tour de force de dire des choses très sérieuses sur le ton de la farce la plus débridée. Même les imprévus et les accidents sont truculents et succulents. Les pulsations de la crise sont celles de l’hystérie la plus enfiévrée, jusqu’à la plongée finale dans une ambiance de science-fiction inspirée par La Main gauche de la nuit, d’Ursula K. Le Guin, dans lequel un terrien découvre un monde où la distinction entre les hommes et les femmes n’existe pas dans le cours de la vie ordinaire et est réservée à quelques moments orgiaques de plaisir et de reproduction. Beatriz et José Manuel deviennent alors Juan et Pepa, deux explorateurs interstellaires à la recherche de l’harmonie universelle. Juliette Navis, Laure Mathis et Douglas Grauwels donnent à penser autant qu’à rire : l’exploit est assez rare pour être doublement applaudi !

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

Pedro
du jeudi 29 janvier 2026 au dimanche 1 février 2026
Le Cent Quatre
Le CENTQUATRE-PARIS, 5, rue Curial, 75019 Paris.

à 20h30. Tél. : 01 53 35 50 00. Spectacle vu à La Commune CDN d’Aubervilliers. Tournée : 12 mars à Kinneksbond, Centre Culturel de Mamer, Luxembourg ; du 18 au 20 mars au Théâtre Sorano, Toulouse ; du 22 au 24 mai au TDB CDN de Dijon, Théâtre en mai. Durée : 1h30.

 

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